Quelque part au nord de la ville...

[Karl Lacroix-Hanke]

Sur le terrain, Karl avait intégré un groupe d'intervention, pour en assurer la coordination. Le métier de pompier, c'était ce qu'il avait voulu faire toute sa vie. Il aimait cette profession. Sauver des vies, aider son prochain, rendre service à son pays et aux gens. Dès qu'il avait appris ce qu'il se passait en Transalpie, il s'était porté volontaire, laissant de côté la politique pour remplir son devoir.

Le feu progressait très vite, attisé par un mistral puissant qui ravivait les flammes dès qu'ils essayaient de les étouffer. Ils ne pourraient pas contenir ce foyer. C'est la raison pour laquelle Karl décida de demander l'évacuation des bâtiments alentours. Le centre de gestion des opérations valida l'évacuation et leur donna un centre de repli où conduire les personnes. Afin de couvrir plus de surface, ils se séparèrent individuellement pour faire évacuer les bâtiments proches.

Karl fut chargé de s'occuper d'un centre de détente, massage et esthétisme. Il entra dans le bâtiment pour en faire sortir tout le monde. Certaines personnes n'étaient pas tout à fait habillées. Le temps qu'elles se vêtissent, puis elles purent sortir. Il s'attaqua ensuite à un autre bâtiment. Puis encore un. A un moment, il se retrouva dans un supermarché. Et là, ce fut la grande panique. Pas facile de faire sortir tout le monde. Quelques blessés furent à déplorer, des foulures, des égratignures, rien de grave.

Sa mission accomplit, il remit le cap vers le reste de l'équipe. A peine fut-il arrivé sur place qu'on l'alerta :

- Karl, il y a une voiture coincée sur la route, là-bas. Impossible de savoir si elle est vide ou non, les flammes l'entourent pratiquement !

- On ne peut pas prendre le risque de laisser des gens en danger, on doit y aller pour vérifier !

- Ok !

Deux pompiers se joignirent à lui. Ils se mirent à courir jusqu'à la route. Les arbres étaient littéralement en train de brûler tout le long. La fumée noire qui se dégageait était particulièrement chaude. Karl n'en pouvait plus dans son uniforme. Ils profitèrent une voie dégagée pour s'avancer jusqu'à la voiture. A l'intérieur, ils y trouvèrent une jeune femme blonde, ravissante, que Karl reconnut aussitôt. Comment oublier cette beauté qu'il avait croisé à l'aéroport ? Elle semblait un peu dans les vapes, à cause de la fumée, probablement. Les pompiers la sortirent du véhicules, récupérèrent ses effets personnels et l'amenèrent plus loin, dans un camion destinés aux premiers secours. Karl indiqua aux autres qu'il gérait la situation. Il prit un masque d'oxygène et le lui tendit :

- Tenez. C'est de l'oxygène, cela va vous permettre de mieux respirer. C'était moins une ! Avec toute cette fumée, nous n'avions pas vu la voiture. Que s'est-il passé ? Vous avez fait un malaise ?

Probablement vu la quantité de monoxyde de carbone ambiant !

[Ivana Schwarz]

Ivana avait été surprise par la vitesse à laquelle l’incendie se propageait. Rapidement entourée par d’épaisses fumées noires, elle fut prise de panique et était restée dans son Range Rover Evoque. La fumée rentra malgré tout rapidement dans l’habitacle.
Heureusement pour elle, les pompiers arrivèrent à temps. Lorsqu’elle fut prise en charge par Karl, elle était encore dans les vapes et avait du mal à émerger. Elle réussit néanmoins à sortir quelques mots.

J’ai … j’ai … j’ai eu si peur. Vous … vous m’avez sauvé la vie. Merci … merci !

Ivana s'effondra en larmes.

[Karl Lacroix-Hanke]

Karl ne s'attendait pas à ce qu'elle pleure. Il comprit qu'elle s'était vu mourir, brûlée vive. Et forcément, cela ne laisse pas indemne. A la réflexion, à quelques minutes près, elle y restait. Il s'assit à côté d'elle et mit sa main sur son épaule pour la rassurer. Le geste n'était pas déplacé, mais au contraire précautionneux. Il n'avait pas d'arrière pensée. D'un naturel positif, il lui dit, d'une voix rassurante et enthousiaste.

- Ca va aller... Le pire est passé, vous êtes en sécurité à présent. Nous vous aurions pas laissée tomber. Tous les gens ici sont là pour aider et pour sauver des vies, c'est notre travail et c'est plus qu'un travail, c'est une passion.

Il était sincère et ça se sentait dans sa façon de parler. Il esquissa un sourire, la meilleure arme contre les larmes, c'était l'humour. Il lui dit, un peu taquin :

- Bon, il vous faudra probablement changer de voiture et en racheter une neuve. Même à supposer qu'on ait pu la déplacer, l'odeur de cramé est tenace ! Remarquez ce n'est pas plus mal ! Je vous conseille d'acheter une nouvelle Range Rover Evoque, mais en TD4 de 180 chevaux en finition SE Dynamic. Une pépite ! Véloce, agréable, robuste et surtout meilleur rapport qualité prix ! Vous y gagnerez !

En voiture, il s'y connaissait, il avait hérité de la même passion que son grand-père, sans les talents de pilote, où le papy était imbattable ! Reprenant un peu son sérieux, il sortit une bouteille d'eau de l'a glacière tout proche et la lui tendit. Il demanda :

- Vous allez bien ? Vous devriez vous hydrater un peu, avec la chaleur autour, ça vous fera du bien. Je vais procéder à un examen de routine, pour m'assurer que tout va bien, d'accord ? Vous avez des douleurs quelque part ?

[Ivana Schwarz]

Les propos rassurants de Karl avaient eu l’effet escompté. Elle se reprit rapidement tout en écoutant son sauveur. Elle esquissa même un sourire lorsqu’il lui conseilla l’achat d’un autre véhicule.

Va falloir me mettre ça par écrit. Je n’y connais absolument rien en automobile. Ce qui ne semble pas être votre cas.

Ivana prit la bouteille d’eau que Karl lui tendit et but quelques petites gorgées. Elle tremblait quelque peu.

Aucune douleur. Non, ça va.

[Karl Lacroix-Hanke]

- Ok. Vous êtes en état de choc mais c'est normal, après ce que vous avez vécu. Je vous conseille de vous allonger un peu sur le brancard, pour vous remettre.

Karl n'était pas médecin, mais son expérience de soldat du feu lui permettait de savoir pas mal de choses sur ce qu'il fallait faire.

Il resta près d'elle quelqu'un instants, pour s'assurer qu'il ne lui arrive rien. En la regardant, il n'eut que confirmation de sa première impression. Très belle femme.

Un de ses collègues arriva pour s'assurer que tout allait bien et pour estimer s'il y avait besoin de l'évacuer sur un hôpital. Karl estimait que non, pas dans l'immédiat. Mais une fois le gars parti, il lui dit :

- Si ça ne va pas, vous me le dites, je vous fais entrer aux urgences. Enfin je vous conseille quand même de voir un médecin. Votre prénom, c'est Ivana, c'est ça ? Je m'appelle Karl.

Elle le savait sans doute. Le visage d'un Président de l'Assemblée Fédérale passait difficilement inaperçu. Encore plus quand il était agréable à regarder. Par contre, de le voir en tenue de pompier, le front couvert de sueur, la tenue un peu tâchée par les interventions, ça, c'était beaucoup moins banal. Unique, même.

- Je ne pensais pas vous recroiser. Vous avez des proches à avertir ? Je peux vous prêter mon téléphone si besoin.

[Ivana Schwarz]

Ivana s’allongea sur le brancard. Elle appréciait beaucoup la présence de Karl et n’était pas insensible à son charme, loin s’en faut. La situation qu’elle venait de vivre et la tenue inhabituelle de son interlocuteur l'empêcha jusque là de le reconnaître, mais lorsque celui-ci se présenta, elle compris à qui elle avait affaire.

Oh ! Mais vous êtes Karl … Lacroix-Hanke, n’est-ce pas ? Le Président de l’Assemblée Fédérale ? Rien que ça !

Elle eut un air embarrassé.

Oui. Je m’appelle Ivana. Ivana Schwarz.

J’ignorai que vous étiez marin pompier. Vous semblez être un homme … très engagé !

Elle venait d’esquisser un deuxième sourire. Il faut croire que son héro du jour avait d’autres armes en réserve que son humour.

Mes enfants sont chez leur grand-mère. Je devais aller les chercher ce soir. Ils vont s’inquiéter, ma mère aussi.
Mon mari est en voyage d’affaire.

Elle semblait perdue.

Je … je n’ai personne à prévenir. Je ne souhaite pas inquiéter mes enfants ni ma mère. Inutile de prévenir quelqu’un. J’ai encore tellement de travail cette après-midi … Ce n’est pas raisonnable.

Ivana prit sa tête dans ses mains et soupira.

J’ai tellement de chose à penser. Pardonnez-moi, je ne me reconnais pas … D’habitude … je montre toujours l’image d’une femme forte, mais là … je craque.

Elle sanglota à nouveau.

[Karl Lacroix-Hanke]

Décidément, l'uniforme lui jouait parfois des tours ! Ivana ne l'avait même pas reconnu ! Bon à sa décharge, elle avait vécu un moment bien difficile. Contrairement à la fois où ils s'étaient croisés à l'aéroport, elle paraissait moins froide, moins fermée. Plutôt bon signe, car le jeune homme n'en démordait pas, elle était tout à fait son type de femme. Et de loin, celle qui lui tapait le plus dans l'oeil.

- Appelez moi Karl ! Ici je ne suis pas Président de l'Assemblée Fédérale mais pompier, parmi mes collègues.

Il connaissait son nom, son prénom, et même son adresse. Oui, il s'était renseigné sur cette femme d'affaire qui l'épatait, tant physiquement que psychologiquement.

- Avant de faire de la politique j'étais engagé dans le corps des marins-pompiers de Vauxin. Je n'ai jamais réussi à décrocher totalement. Ce métier, c'est un peu comme une drogue, on ne peut s'empêcher d'aider et de rendre service. Il y a quelque chose d'enthousiasmant et d'excitant. Une piqûre d'adrénaline qui change un peu de la vie confortable de politique !

Il vit l'élan de tristesse passer sur son visage alors qu'elle semblait décontenancée. Karl ne la jugeait pas. Mais il n'était pas d'accord avec ce qu'elle disait.

- Cela fait du bien de pleurer. Il ne faut pas retenir ses larmes. Je ne trouve pas ça faible. A vrai dire, c'est plutôt touchant et révélateur d'une forme d'empathie et de caractère. Vous avez frôlé la mort, vous avez le droit de craquer. Tenez...

Il lui tendit des mouchoirs et posa à nouveau sa main sur son épaule. Ce geste réconfortant, n'était pas aussi innocent que le précédent. Karl avait bien intégré qu'elle avait une famille. Ca ne le gênait absolument pas. Mais là, elle n'avait personne, s'il était son épaule, ça allait forcément créer un lien, amical... voire plus si affinités ? Trop tôt pour le dire.

- A mon avis, vous devriez d'abord penser à vous plutôt qu'à votre travail. Vous avez besoin de décompresser et de vous reposer. Ecoutez, normalement j'ai une pause pour manger dans quelques minutes. Si nous allions boire un café et manger un petit morceau ? Je ne pourrais pas rester longtemps car le devoir m'appelle mais cela vous permettra de ne pas être seule, d'accord ?

[Ivana Schwarz]

Ivana appréciait les paroles de Karl. Elle prit une grande inspiration avant de répondre.

Merci ! … Oui, vous avez raison. J’ai tellement l’habitude d’être celle sur qui tout le monde se repose, aussi bien côté professionnel que privé.
Je vais demander à Sylvia de me remplacer quelques jours et prévenir ma mère en minimisant un peu les choses pour ne pas l'inquiéter.

Ivana regarda autour d’elle.

Mon sac ? … Je crois qu’il est resté dans la voiture. Mon téléphone, tous mes contacts …

Elle pesta silencieusement puis se mit à rire.

Désolé, c’est nerveux.
Je crois que je vais devoir vous emprunter votre téléphone. Je suis désolé.

Ivana rougit quelque peu lorsque Karl se proposa de passer du temps avec elle le temps d’un café ou d’un repas.

Vous êtes charmant. C’est moi qui vous invite, je vous dois bien cela. J’ai mes habitudes à l’Orangerie, un restaurant gastronomique dans le centre d’Aspen. Vous connaissez ?

[Karl Lacroix-Hanke]

Karl fit un geste à la jeune femme, pour lui intimer d'attendre. Il jeta un oeil hors du camion et lui demanda de patienter quelques instants. Deux minutes plus tard, il revint avec son sac à main et le lui tendit :

- Il me semblait bien qu'ils avaient sorti votre sac de la voiture. Tenez. Je ne sais si votre portable y sera, mais au moins vous n'avez pas perdu vos papiers.

Tandis qu'elle l'invitait à manger, Karl hocha la tête. Il lui répondit :

- Ce serait avec plaisir, mais je ne suis pas certain de pouvoir rester suffisamment longtemps. Les incendies perdurent et je ne peux pas me défausser. Ecoutez, rien ne nous empêche de reporter le restaurant gastronomique plus tard, ce serait avec grand plaisir même ! Je trouverais ça dommage de ne pas pouvoir en profiter à fond et de bâcler notre moment en tête à tête. Là, de suite, nous pourrions peut-être nous contenter d'un restaurant local, ou d'un café ? Pas très loin, au cas où ?

Ce n'était pas l'envie qui lui manquait de passer du temps avec elle, mais dans l'immédiat, Karl pensait avec son sens du devoir. On ne se refaisait pas !

[Ivana Schwarz]

Lorsque qu'Ivana vit Karl revenir avec son sac à main, elle lui jeta un regard empli de reconnaissance.

Oh merci ! Merci milles fois ! ...

Ivana fouilla dans son sac et en sortit son iPhone 7 Plus.

Hallelujah ...

Elle leva le regard vers Karl.

Je ne vais donc pas avoir besoin de votre portable. Néanmoins, je ne serais pas contre l'idée d'avoir votre numéro ...

Elle sourit.

... Car si je souhaite vous revoir pour vous offrir ce dîner au restaurant, il va bien falloir que je puisse vous joindre.
En attendant, ce sera un réel plaisir que de boire un verre ensemble, pas très loin, même si c'est pour un court lapse de temps, ce sera déjà ça !

Ivana rougit quelque peu et se demanda ce qui lui prenait de réagir de la sorte. Elle, une femme mariée. Elle avait l'impression de revivre ses années lycée et de réagir comme une adolescente.