Campement MRA de Zahamena

[Dimby Falisoa]

Aux mots de Fanilo, le regard sombre de Dimby vira dans l'obscur le plus total. Il se leva d'un bond et saisit l'arme qu'il avait posée quelques minutes plus tôt. Il en saisit la crosse à pleine main, et positionna son index sur la détente, tout en dirigeant lentement le canon vers Karlsson.

- Voyez Monsieur le Vice-Chancellier. Sauf votre respect, je vous laisse mesurer à la seconde actuelle, à quel point certains antsiranais n'ont AUCUN respect pour les symboles fédéraux.

Il mima un tir.

- Ayez cela en tête en négociant avec mes amis ici présents. Une armée antsiranaise est certainement la meilleure option. Pour l'Etat fédéral y compris.

Il rangea son arme, et quitta le rassemblement.

[Victor Karlsson-Marshall]

Sachez que je suis très heureux de pouvoir apporter mon soutien à l'Antsiranana. C'est un privilège pour moi de vous rencontrer, aujourd'hui, pour que nous puissions travailler ensemble.

Il finit sa phrase en adressant un sourire à Bantsoarana, qui le lui rendit. En fait, il n'y avait rien d'amical dans cet échange de regard.

L'épisode Dimby Falisoa l'inquiéta énormément. Il n'eut pas la volonté de répondre quoi que ce soit ni d'interférer entre lui, Bantsoarana, Rasoarafindria et Kami-Alonaona, jusqu'à ce dernier quitte la réunion.
Le personnage l'effrayait. Son regard fou, sa façon désinvolte de tenir son arme - et si elle avait été chargée ? Victor préférait ne pas y penser.

Victor se sentait en territoire hostile, très hostile. Et il s'y sentait seul.
Il adressa un regard agacé à Fanilo. Était-il vraiment capable de mener ses troupes ? Pourrait-il vraiment assurer la stabilité de sa province s'il ne pouvait pas assurer que tout le monde reste calme au cours de cette réunion ?

Le malagasy est reconnu comme langue officielle de la Fédération par l'article 2 de la Constitution. Pour l'Antsiranana, il n'y aura aucun problème. Mais les langues officielles provinciales dépendent essentiellement des langues parlées dans chaque province et ne dépendent pas de notre volonté, de toute façon. Néanmoins je verrais ce que je peux faire, au moins en Tyrsènie.

Puis il se remémora la personnalité qui lui avait été décrite par le document des services de renseignement. Si Dimby Falisoa avait des tendances sociopathes, c'était préférable de faire ces négociations sans lui. Et puis Victor savait que de toute façon, il faudrait qu'il fasse avec Fanilo, alors mieux valait ne pas s'énerver contre lui. Il reprit en s'adressant à toute l'assemblée.

La Santé et l'Immigration seront deux compétences qui seront dévolues à une Antsiranana autonome, nous sommes d'accord là-dessus, nous ne pouvons appliquer les mêmes politiques sanitaires et migratoires ici qu'en Frôce.
Concernant la sécurité, il est vrai qu'il serait difficile, si ça s'avérait nécessaire, de déployer la police fédérale ici. Nous donnons notre accord pour la création d'une force spéciale de police, pour garantir la sécurité des résidents d'Antsiranana. Nous travaillerons de concert pour son organisation. Elle sera placée sous le commandement conjoint du gouvernement provincial et du Ministère Fédéral de la Justice, qui décideront ensemble de l'armement de ses membres.
Et en ce qui concerne l'armée...

Il prit une inspiration. Il redoutait les réactions.

Une armée, on s'en sert pour faire la guerre. Je crois que nous sommes d'accord sur un point : nous estimons que les escalades et les conflits incessants ont fait leur temps en Antsiranana. Nous autoriserons la création d'une force spéciale de sécurité pour mettre un terme aux violences. Mais pas d'armée autre que celle de la Fédération.

Il observa un moment l'assemblée. Il y avait des échanges de regard et des regards braqués sur lui, certains qui semblaient approuver, d'autres qui paraissaient se contenir. Il se tourna à nouveau vers Fanilo.

Voici ce que je vous propose. Avez-vous quelque chose à rajouter ?

[Louison Tojoranahery]

En tant que leader du plus grand groupe armé d'Antsiranana, Louison avait son mot à dire. Et il ne pouvait pas rester sans rien faire face à ce qu'il entendait. Pas d'armée antsiranaise ? Une police fantoche et une armée coloniale ? Comment les autres pouvaient ne pas réagir ? Il se leva et prit la parole.

Si vous permettez. Je vais pas faire croire à qui que ce soit ici que j'apprécie particulièrement Dimby, mais il a raison. Une armée en Antsiranana qui n'est pas composée d'antsiranais n'a pas sa place et sera vu comme une armée d'invasion. Et vu l'agitation, je ne pense pas qu'on puisse se passer d'une présence militaire. Une armée antsiranaise est la meilleur solution pour tout le monde.

L'absence de réaction du reste de l'assemblée aux propos du vice-chancelier l'agaçait au plus haut point. Ils n'en avaient vraiment rien à faire ?
Il évita soigneusement le regard de Fanilo. Il savait qu'il n'était pas censé bafouer son autorité, surtout devant un représentant de l'état fédéral. Mais peu lui importait, il fallait qu'il intervienne.

Nous nous sommes battus pour la liberté, nous nous sommes battus contre ceux qui voulaient voir notre pays sombrer dans le chaos. En nous interdisant d'assurer nous-même la protection de nos terres, vous insultez notre lutte, vous insultez ceux qui sont morts pour Antsiranana.

[Victor Karlsson-Marshall]

Victor se tourna vers celui qui venait de se lever. Il reconnut le nouveau commandant des MRA, le plus grand groupe armé d'Antsiranana. Il dût réprimer un sourire lorsqu'il repensa à sa photo dans le document des Services Impériaux.

Monsieur Tojoranahery, nous n'avons pas l'intention de laisser l'Antsiranana sans personne pour la protéger. Je le redis, nous aiderons à la création d'une force spéciale de police pour y assurer la sécurité. L'armée de la Fédération ne serait là que pour pallier à d'éventuelles menaces extérieures et resterait composée de tous les citoyens de la Fédération qui souhaitent s'y engager, aussi bien les Frôceux que les Antsiranais. Ce n'est pas une force d'invasion, c'est une force qui prouve notre union.
Vous demeurerez maîtres de votre sécurité intérieure, je peux vous le garantir.

Monsieur Tojoranahery, je comprends que vous soyez réticents. Mais je pense que vous devriez vous réjouir de voir qu'après avoir voué votre vie à ce combat, vous puissiez enfin le voir aboutir à quelque chose. Vous, et ceux qui sont morts pour l'Antsiranana, vous ne vous êtes pas battus en vain.
Nous voulons offrir à l'Antsiranana l'autonomie et la paix et après des années de luttes intestines, elle les mérite bien, les Antsiranais le méritent bien.

Il fixait Louison, essayant de garder un air calme et sûr de lui. Il observait de temps à autre les autres protagonistes de la réunion. Il espérait qu'au passage, il en aurait convaincu quelques uns.

[Louison Tojoranahery]

Louison bouillonnait. De quel droit une petite marionnette fantochisante du gouvernement colonial venait-elle dans un pays dans lequel il n'avait jamais mis les pieds auparavant, pour y imposer sa loi, parler au nom des Antsiranais ? Et de quel droit cet arrogant petit blond pré-pubère le traitait-il de haut ?
Lui qui ne savait rien des combats qu'il avait mené, lui qui n'avait jamais connu les conflits, la guerre, il s'imaginait qu'il allait pouvoir tout régler d'un claquement de doigt, en imposant ses conditions et sa police ?

Cet affront fit remonter en Louison des élans d'indépendantisme. Alors qu'il voyait déjà ceux qui avaient essayé de raisonner Dimby se lever pour le raisonner à son tour, il essaya de contenir sa rage. Il ne voulait pas qu'on le place au même rang que Falisoa.

Monsieur le Vice-Chancelier, je ne fais que donner mon opinion. Mais si vous pensez, et si les autres ici pensent que c'est ce qu'il y a de mieux pour l'Antsiranana...

Il adressa un regard à chacun des protagonistes, puis fixa Fanilo. Il avait toujours confiance en lui. C'était lui le Gouverneur élu, c'était lui le leader de la lutte pour la cause antsiranaise. Il se soumettrait à sa décision, quoi qu'il puisse en penser.

...alors je m'y plierai.

Il se rasseya, en attendant de voir ce que Fanilo avait à dire.

[Fanilo Nomenjanahary]

Bien. Je crois que nous sommes d'accord. Maintenant, plutôt que de nous parer de bonnes intentions, je vous soumets à vous, ainsi qu'à mes confrères fondateurs de l'OLP, un document de travail en vue de la réforme constitutionnelle qui permettra d'entériner les détails sur lesquels nous venons de nous mettre d'accord.

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Loi de Révision Constitutionnelle conférant un statut spécial à la Communauté Autonome d'Antsiranana

Préambule - Afin de doter la Province d'Antsiranana d'un statut conforme aux besoins spécifiques de ce territoire très éloigné de la Frôce métropolitaine, tant géographiquement, que sociétalement et socialement, la Fédération de Frôce et Madagascar adopte une réforme constitutionnelle conférant un statut de responsabilité spécifique, s'agissant des compétences et attributions du gouvernement local. Ces attributions répondent à la fois au nécessaire respect des particularismes régionaux, mais également à la logique d'une équité et d'une unité fédérales.

Article Unique - La Constitution est modifiée de la manière suivante :

• L'article 2 :
  

  Les langues reconnues par la Fédération sont le français, l'italien, le malgache et le catalan. En cas de conflits de traduction, le texte rédigé en langue française aura la priorité.

  est modifié ainsi :
  

  Les langues reconnues par la Fédération sont le français, l'italien, le malgache et le catalan. En cas de conflits de traduction, le texte rédigé en langue française aura la priorité, sauf pour la Communauté Autonome d'Antsiranana, où la traduction malagasy fait foi.

• Il est rajouté un Article 33-2, précisant :
  

  Article 33-2 - L'Etat fédéral délègue, de manière permanente et par voie d'exception, la gestion de certaines compétences au gouvernement légal de la Communauté Autonome d'Antsiranana. Ces compétences sont : la Santé, l'Immigration, la Nationalité et la Police fédérale.

• L'article 45 :
  

  Article 45 - La Fédération de Frôce et de Madagascar comprend cinq provinces et un marquisat, les cinq provinces disposent d'attributions strictement égales. Les compétences dévolues au marquisat de Norijo sont précisées par la loi fondamentale du marquisat de Norijo.

  est modifié ainsi :
  

  Article 45-1 - La Fédération de Frôce et de Madagascar comprend quatre provinces, un marquisat et une communauté autonome. Les quatre provinces disposent d'attributions strictement égales. Les compétences dévolues au marquisat de Norijo sont précisées par la loi fondamentale du marquisat de Norijo. La Communauté Autonome d'Antsiranana dispose d'attributions spécifiques, afin de maintenir une égalité des chances sur l'ensemble du territoire.
  
  Article 45-2 - Concernant les attributions générales de la Communauté Autonome d'Antsiranana, celles-ci sont identiques aux autres provinces. Toute référence à une province dans le présent texte constitutionnel, concerne donc également la Communauté Autonome d'Ansiranana. S'ajoutent uniquement les compétences spéciales déléguées par l'Etat fédéral au gouvernement autonome, telles que précisées à l'article 33-2.

Fait à Aspen,
Le 09 Octobre 089.

Fanilo Nomenjanahary, Gouverneur d'Antsiranana
Victor Karlsson, Vice-Chancellier de la Fédération de Frôce et Madagascar
Alessandra Ansaldi, Chancelière Suprême de la Fédération de Frôce et Madagascar
Vittorio di Savoia-Carignano, Imperatore de Frôce et de Madagascar

[Victor Karlsson-Marshall]

Victor lut le texte avec attention. Il paraissait déjà très complet, et ferait une bonne base pour un texte de révision constitutionnelle.

Bien... Ce texte m'a l'air très bon, peut-être quelques ajustements à faire, pour intégrer totalement le statut spécial dans la Constitution, et il serait présentable à l'Assemblée. Je vois donc que vous préférez le statut de "Communauté Autonome" plutôt que "République Fédérée", soit. Ce n'est pas que ce qui était prévu mais pour ma part, cela ne pose pas de problème. Concernant le titre V, je pense que nous sommes d'accord pour considérer qu'au plan de l'exécutif et de l'assemblée législative de la Communauté Autonome, le fonctionnement sera identique à celui des provinces ?

Ensuite, j'aimerai revenir sur la compétence de la nationalité. D'accord pour laisser l'Antsiranana gérer sa politique migratoire, puisque cela dépend des particularités de la région, mais concernant la nationalité, nous n'avons pas abordé le sujet. Que prévoyez-vous de faire dans ce domaine ?

[Fanilo Nomenjanahary]

Sincèrement, le statut de République fédérée, nous l'avons abandonné depuis quelques temps. Nous devons réaliser des efforts, si nous voulons que nos interlocuteurs en fassent à leur tour. Et même si ça n'a guère l'air d'autre chose que d'une question sémantique, il y a clairement une portée symbolique dans le choix des mots : la terminologie "républicaine" nous exclut de l'aire fédérale, malgré l'effort que nous faisions en concédant une inféodation supposée. En réalité, le concept de République implique une souveraineté qui nécessiterait l'indépendance totale. Ce que nous ne voulons pas. Le principe de "communauté" paraît donc bien plus approprié.

S'agissant de la nationalité, nous souhaitons pouvoir gérer seuls la question des naturalisations pour les demandeurs vivant sur territoire antsiranais. Nous constatons en effet des afflux migratoires difficilement contrôlables, et pensons qu'un distinguo doit être fait sur ces questions entre la Frôce métropolitaine, et notre territoire, où l'équilibre social est déjà grandement défaillant. Nous devons reprendre la main sur notre île qui se trouve aux portes des pays d'Afrique et d'Asie, avec des frontières parfois très poreuses, puisque maritimes. Il nous semble donc opportun de se montrer un minimum protectionniste sur ces questions. Pas par égoïsme. Mais plutôt pour réorganiser le pays afin d'être certains de la qualité de vie que nous pourrons offrir.

[Victor Karlsson-Marshall]

C'est essentiellement sur le mot "fédérative" que je voulais insister. Mais très bien, une "Communauté Autonome", le gouvernement y est aussi favorable. L'important reste d'accorder à l'Antsiranana le statut dont elle a vraiment besoin.
Pour la nationalité, je transmettrais vos revendications. A priori, nous n'y sommes pas défavorables. Mais je ne peux vous promettre que cette partie de l'accord ne soit pas retouchée par l'opposition à l'Assemblée, qui risque de s'y montrer hostile.

Pour le reste, le texte que vous m'avez fourni est une très bonne ébauche. Je le remanierai et le présenterai au prochain Conseil des Ministres, la version finale vous sera envoyée.

Victor se tourna vers les autres, scrutant les visages des protagonistes pour voir si l'accord qu'ils préparaient leur convenait.

Y a-t-il autre chose dont vous voulez que nous discutions ?

[Fanilo Nomenjanahary]

Non. Nous en avons terminé. Merci de votre présence.

L'assemblée fut ainsi levée.