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08/04/098 - Disparition des espèces
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Focus sur la loi de modernisation et de sécurisation des moyens de paiements
Alors que le Gouvernement Fédéral entre en fonction, le Chancelier Suprême, Apollon Haros a annoncé qu'il entendait revenir sur l'interdiction des espèces, planifiée en l'année 100. Un retour en arrière qui a provoqué une vive réaction de l'ancien Chancelier, Gabriel von Bertha, initiateur du texte.
Dans les colonnes de notre confrère "Le Démocrate", il y expose le sens et le but du projet initial. Analyse avec
Benjamin Kepler, enseignant-chercheur et économiste à l'Université d'Aspen.
Ce projet permet-il vraiment la sécurisation des moyens de paiements ?
C'est un fait indéniable, la sécurité des moyens de paiement est un enjeu majeur de notre époque. Et en ce sens, les experts en sécurité informatique saluent de façon unanime l'interdiction de la technologie sans contact. Rappelons que toute personne équipée d'un terminal adapté (et facilement achetable sur internet, ndlr) peut récupérer les informations du porteur d'une carte sans contact. La raison : la puce électronique qui permet de communiquer les informations diffuse son signal en continu, un peu comme un hotspot Wi-Fi. L'absence de sécurisation de ce procédé par les établissements bancaires présentent une faille conséquente pour l'ensemble des utilisateurs, le plus souvent non avertis et non sensibilisés aux risques.
Le projet s'attaque également avec rigueur au sujet explosif des crypto-monnaies. Qui n'a pas entendu parler du bitcoin ? On sait peu de choses sur ces monnaies virtuelles. La nébuleuse qui les entoure est savamment entretenue par ses concepteurs. Aujourd'hui, le bitcoin peut permettre d'acheter des marchandises sur un site internet qui les accepte mais il permet également l'achat d'armes, d'explosifs. En outre, l'utilisation des crypto-monnaie alimente aujourd'hui le business des réseaux illégaux. La décision du Chancelier von Bertha est un signal fort et courageux. Il faut néanmoins relativiser la polémique naissante, car Apollon Haros n'a pas parlé de revenir sur cette partie du projet.
Il ne ciblerait donc que l'interdiction des espèces, selon vous ?
C'est en tout cas ce qu'il a annoncé. Et c'est un sujet discutable, très idéologisé comme on a pu notamment le voir lors du débat pendant la campagne électorale. Interdire les espèces est clivant. D'un côté, vous avez ceux qui vous disent, comme l'ADF, que c'est nécessaire pour lutter efficacement contre le blanchiment d'argent et la fraude fiscale, de l'autre, vous avez Monsieur Haros ou encore Monsieur Clébard qui considèrent qu'il s'agit d'une atteinte aux libertés et d'une mise sous surveillance de l'activité économique. Soyons lucides, les deux argumentations se valent et dans cet affrontement idéologique, il n'y a aucune piste vraiment parfaite.
Que faites-vous de l'argument de la TVA individualisée et progressive prônée par l'ADF ?
Espèces ou non, le projet porté par l'ADF s'avère difficile à mettre en place. On imagine mal les commerçants demander à leurs clients leur taux de TVA lorsqu'ils passeront en caisse, pour adapter la TVA. La vie des commerces est déjà bien assez compliquée comme ça, sans provoquer un bazar comptable supplémentaire.
Mais au delà de ça, on peut clairement poser la question du respect des données personnelles. Jusqu'à maintenant, le fisc et les organismes de protection sociale sont les seuls à pouvoir accéder aux informations fiscales des citoyens. Le prélèvement à la source a ouvert la possibilité aux entreprises de connaitre le taux d'imposition et donc d'en savoir un peu plus sur les ressources de leurs salariés. Cela a déjà fait débat par le passé. Mais là, ici, clairement, en passant à la caisse les gens pourront connaitre le taux de TVA auquel vous êtes éligible et en déduire votre situation fiscale. C'est ça qui pose un problème sur le projet de TVA individualisée et progressive.
Par ailleurs, ce système ne nécessite pas forcément l'interdiction des espèces. On peut facilement remplacer l'information glissée sur la carte bancaire, par un justificatif du fisc, comme c'est par exemple le cas pour les personnes qui vont au musée avec une attestation de recherche d'emploi. A mon sens, on ne peut pas défendre l'interdiction des espèces en vantant la TVA individualisée. C'est un non sens. Les deux peuvent fonctionner ensemble.
Mais l'idée de proposer une TVA adaptée aux ressources ne serait-elle pas un moyen de lutter efficacement contre les inégalités ?
Évidemment et sur le fond, c'est un projet qui mérite d'être discuté et détaillé. Depuis toujours, en économie, quand on interdit quelque chose, on créé un biais, le plus souvent vicieux et au détriment des intérêts de tous. Il faudrait clairement dire que les gens peuvent régler par espèces ou par un autre mode de paiement numérique. Si la personne paie en pièces ou en billets, elle s'acquitte du taux de TVA classique. Pourquoi pas demander ensuite au fisc, le remboursement de la TVA payée en trop par rapport à ses revenus ? C'est une piste. On le fait déjà pour le remboursement des soins.
Si la personne règle par un mode de paiement numérique (virement ou carte bancaire), dans ce cas, elle bénéficie en direct du taux de TVA personnalisé.
On ne peut pas imposer aux gens, en tout cas en Frôce, de dévoiler aux commerçants leur situation fiscale. Je doute que ce procédé passe l'étape de la Cour Suprême si celle-ci venait à être saisie sur la question. Il faut donc trouver une alternative qui apporte un statut quo. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire, tant le sujet est très idéologique et les positions de l'ADF et la CUL antagonistes sur cette question.
Une alternative peut-elle vraiment exister ?
Je le pense. Il faudrait échanger sur le sujet, pourquoi pas au sein du commission parlementaire dans les provinces ? Lors du débat électoral, une proposition est sortie de la FCF, représentée par Jean Bournay. L'idée de créer une monnaie servant à la consommation pourrait être une alternative. On pourrait imaginer, par exemple, que les gens se rendent dans des distributeurs spécifiques pour échanger leurs pluzins en "bons consommation". La machine interroge la base de données fiscale qui lui sort le taux de TVA qui aurait du s'appliquer.
Prenons un exemple bateau : Monsieur A. gagne bien sa vie, 5000 plz nets par mois. Il s'acquitte d'un taux de TVA plein, soit 20%. Il veut acheter 100 bons consommation. Cela lui coutera donc 120plz, si on dit que 1plz = 1 bon consommation.
Monsieur B. perçoit 1000 plz nets par mois. Vu sa situation et son contexte familial, son taux de TVA serait admettons de 2%. Il veut acheter 100 bons consommation lui aussi, cela lui couterait 102plz, si on garde la même grille de conversion que pour Monsieur A.
Une chose est sûre, c'est que si l'on veut lutter contre les inégalités sociales, la TVA sera en première ligne. C'est un impôt perçu comme injuste, car il se greffe sur le besoin de consommation de tous les citoyens, même ceux qui n'ont pas suffisamment de revenus. Bien sûr, une telle réforme devra trouver financement. C'est là que le sujet devient beaucoup plus épineux, puisque rappelons-le la charge fiscale de la Frôce est déjà conséquente.
J'ajoute que la TVA est une taxe provinciale mais qu'il faudra un accord de l'ensemble des Provinces pour qu'une réforme puisse être vraiment efficace sur l'ensemble du territoire. Je peine à croire que la Transalpie, par exemple, s'aligne sur une telle politique fiscale. Il faudra fournir un long travail de pédagogie et de concertation.
Et sur le volet écologique avancé par notre confrère "Le Démocrate" ?
C'est du kif-kif. Certes la production d'espèces a un impact écologique, dérisoire, mais il existe, en comparaison le même impact sur la virtualisation. Les données numériques sont forcément stockées dans des data-center. Les serveurs ont besoin de fonctionner dans un milieu frais pour éviter la surchauffe. Les data-centers sont donc climatisés et la climatisation contribue au réchauffement climatique. En augmentant le nombre de données virtuelles, vous augmentez systématiquement l'activité, voire la grandeur de ces data-center. Et donc l'énergie qu'il faut pour les refroidir. C'est un cercle vicieux.
Je ne suis pas certain que l'écologie y gagne vraiment. Là aussi, l'argument avancé me parait quelque peu capillo-tracté et hâtif, dans la mesure où l'on a tendance à croire que parce qu'on se débarrasse du papier, on y gagne forcément en éco-responsabilité. Le problème c'est que le numérique a un impact sur l'émission de gaz à effet de serre. Il n'apparait pas comme l'alternative idéale au matériel, en tout cas pour l'instant et pas en l'état de nos technologies. Peut-être qu'un jour cela changera puisque les progrès technologiques de la dernière décennie sont bluffants. Mais amorcer la transition numérique aujourd'hui, c'est davantage une politique destinée à optimiser la rentabilité qu'à favoriser la protection de l'environnement.
NDLR : Nous tenons à préciser que cet article n'est pas destiné à orienter la question sur ce sujet mais à apporter une complémentarité que nous espérons constructive à l'article (très intéressant, au demeurant) de notre confrère "Le Démocrate".