Interview de Jean Bournay, figure de l'anarcho-communisme frôceux 28/12/096
Alain Chouillard interviewait cet après-midi Jean Bournay, fondateur du Front Communiste Frôceux et figure de l'anarcho-communisme en Frôce.
Bonjour Jean Bournay. Vous incarnez en Frôce le porte-parolat de l'anarcho-communisme. Qu'est-ce qui vous a mené vers cette philosophie très particulière ?
Bonjour Alain Chouillard. Ce qui m'a mené à cette philosophie c'est d'abord un constat : celui d'une Frôce inégalitaire et d'un monde encore pire, ravagé par la guerre, l'individualisme et j'en passe. Et c'est ensuite un philosophe, Pierre Kropotkine, entre autres qui m'a mené à penser que l'anarcho-communisme était la voie à suivre. Il m'a convaincu, si on veut simplifier, par ce qu'on pourrait résumer ainsi : l'anarchisme pour la liberté, le communisme pour l'égalité. Partant de là, il a fallu développer cette philosophie en laquelle je crois, avec des morceaux de Marx, d'Engels, de Bakounine, etc. Ce qui m'a mené à l'anarcho-communisme, c'est finalement l'anarchisme et le communisme à deux échelles différentes, pour une évolution complète de la société, croyant -sans doute à tort - que l'anarchisme est nécessaire mais qu'il ne fait pas tout et que le communisme est complémentaire à l'anarchisme à l'échelle collective globale, là où l'anarchisme - même l'individualiste de Stirner - est inefficace, le mot est cependant un peu fort, peut-être. L'anarchisme, lui, agit sur l'individu, l'émancipe, le libère, naturellement, là où le communisme seul est inefficace.
Vos références sont les mêmes que celles des Nationaux-Anarchistes. Tout comme nous, on a certainement qualifié vos idées de paradoxales, certains parlant même d'oxymore. Alors, associer l'anarchisme avec le communisme, comment arrivez-vous à le justifier concrètement sur le terrain, notamment auprès des Anarchistes libertaires ?
Oui, on nous a souvent traité d'irréalistes, et je l'entends encore aujourd'hui. Concrètement ce que je peux répondre aux anarchistes libertaires, c'est qu'il y a dans notre monde, une société humaine. Nul ne peut le nier. Cette société humaine est composée d'individus aux capacités diverses. Voilà quelque chose aussi qui est indéniable. Eh bien, pour que cette société soit égalitaire et libertaire, il faut certes l'anarchisme, c'est à dire la liberté de penser, de vivre, et d'agir sans contrôle permanent ou oppression quelconque -morale ou coercitive- mais il faut aussi l'égalité, c'est à dire le communisme. Stirner pensait que l'anarchisme suffisait puisque si on agissait tous dans notre intérêt -c'est la pensée égoïste dans le bon sens du terme- alors chacun aurait sa part. Cependant au vu de la diversité humaine, il est selon moi -c'est un avis entièrement personnel et très discutable- impossible d'arriver à cela. De plus, chaque vision globale de l'anarchisme libertaire revient à un contre-anarchisme, puisque à l'instar de la pensée stirnérienne, on imagine toute la population suivant le même cheminent idéologique, la même pensée.
Or l'anarchisme réclame la diversité. Pour ce faire, je ne vois qu'une solution : le communisme qui assurerait seul à chacun, un égal partage et une égale liberté mais qui, associée à l'anarchisme, assurera à chacun, un équitable partage : Un travail selon ses capacités, une répartition selon ses besoins. Concrètement, donc, je justifie l'association de l'anarchisme et du communisme, par la complémentarité des deux qui ne sont, à mon sens, qu'utopie quand ils sont désunis : sans l'anarchisme, le communisme se change en conformisme matériel (chacun reçoit et travaille de manière égale), sans le communisme, l'anarchisme se change en conformisme moral (chacun pense la même chose pour être libre et égal aux autres). Les deux unis, on a une liberté apportée par l'anarchisme et une équité par le communisme : Plus besoin de tous être égoïstes pour être égaux et libres ; plus besoin d'être asservis à l'égalité stricte pour être qui on veut.
Vous avez déjà participé à plusieurs reprises à un gouvernement fédéral. Pensez-vous réellement que la solution aux maux que vous combattez puisse être institutionnelle ?
Bien sûr, sinon je n'aurais fait le choix de m'investir en politique. Engels comme Marx, qui étaient de sacrés révolutionnaires, pensaient qu'il était parfois possible de passer par la voie institutionnelle. Je crois que nous vivons en Frôce une situation semblable à celle de l'Allemagne au temps de ces deux-là. C'est à dire que nous pouvons changer les choses par la voie institutionnelle. Le FCF défend un changement constitutionnel entre autres, parce que la révision de la Constitution est possible en Frôce. Peut-être que je me trompe royalement -ou, au vu de notre Constitution impérialement- mais je crois que la voie institutionnelle est possible sans toutefois refuser la voie révolutionnaire même si je la crois trop encline à l'excès dans nos sociétés pour m'y risquer, mais je la soutiendrais évidemment. Enfin, je m'éparpille ! Pour revenir au coeur du sujet, je crois qu'en offrant l'égalité à ceux qui vivent sur le sol frôceux, en offrant la liberté à ceux-là, en changeant l'éducation obligatoire pour une éducation moins teintée de morale et de prêt-à-penser, je crois qu'en faisant cela, nous pouvons faire changer les mentalités et préparer la voie au communisme libertaire ou anarcho-communisme, car on ne passera pas de notre société embourgeoisée à une société libre et égale en un claquement de doigt -c'est la part de communisme de ma pensée. De même, on ne passera pas du mode de pensée individualiste à une pensée bienveillante, tolérante, etc du jour au lendemain. Et je crois qu'en montrant des petites parcelles de ce qu'est la société communiste libertaire, on pourra avancer sans "bond en avant".
Ces parcelles ce sont l'égalité dans l'accès au soin, que j'ai instauré par le remboursement intégral des frais de santé par la Sécu, ce serait la légalisations des zones autogérées et des communautés anarchistes que nous proposons depuis des années aux élections provinciales, la possibilité d'autogestion dans les entreprises, etc, etc. Voilà pourquoi je crois en la voie légaliste parce que c'est avancer, à petits pas certes, mais c'est avancée à la vitesse humaine ; car je ne crois pas l'humain capable de rapidité quand il s'agit d'une telle révolution. A aller trop vite, par la voie révolutionnaire sans préparation ou coercitive, nous ne prouverons qu'une énième fois que la révolution ne dure qu'un jour.
La plupart des Anarchistes défendent une société autonome organisée de manière locale. Après votre élection à la tête de la Communauté des communes valenciennes, peut-on s'attendre à ce que de fortes prérogatives soient concédées à chacune des communes de ce grand ensemble ?
Bien sûr, j'ai déjà décrété un partage des pouvoirs pour les communes. Comme il n'y a plus de cadre légal et que les communes disparaissent je vais proposer la création de communes qui seront des associations dont le fonctionnement et le mode d'élection sera entièrement à la charge de ceux qui la composent. J'avais déjà proposé de telles mesures pour les associations lycéennes lors d'un débat à ces élections, le groupe FCF avait déjà défendu une réforme constitutionnelle avec une telle possibilité, je veillerais donc à appliquer ce fonctionnement à la Communauté des Communes Valenciennes et qu'en son sein, les prérogatives et les budgets soient décentralisés à l'encontre de ce que voudrait la réforme constitutionnelle contre laquelle, partout le FCF est monté au perchoir et a voté contre. Pour les plus d'un million et demi d'habitants de la Communauté, que la droite et le centre voudraient nommer métropole, je leur assure qu'ils ne perdront pas de pouvoir mais qu'ils en gagneront avec 70% du budget communal qui restera dans leurs caisses, en plus d'une aide de la Communauté pour les communes les plus pauvres. De plus ils gagneront du pouvoir car ces 70% de budget communal sera à des associations autogérées, aussi longtemps que le FCF gouvernera la Communauté, où les élus auront des mandats impératifs et pourront être destitués, où l'initiative populaire existera et où chacun aura son mot à dire.
Que vous évoquent la victoire de la droite et la nomination d'Olivier Brimont comme Chancelier ? Quelle sera votre action durant ce mandat ?
La victoire de la droite m'évoque bien sûr l'impression d'avoir raté quelque chose, d'avoir manqué quelque chose, d'avoir démérité. Olivier Brimont a été élu et en soi, c'est une défaite, d'un autre côté au vu de ce qu'il est capable de faire, j'espère que ça aura l'effet d'un vaccin pour les électeurs frôceux. Quant à mon action durant ce mandat, je ne sais pas encore exactement. D'abord il faudra, au niveau métropolitain, organiser la nouvelle Communauté, c'est un travail important sur lequel le FCF a l'entière responsabilité, il faudra préparer, comme je vous l'ai dit, l'organisation plus démocratique de la Communauté. Ensuite, du point de vue provincial, au vu de notre augmentation de sièges, nous espérons pouvoir défendre et produire de nouveaux textes, notamment sur le code pénal pour légaliser l'appartenance à une zone autogérée sans argent, nous espérons aussi pouvoir réduire le temps de travail, permettre une transition d'une entreprise patronale à une entreprise autogérée par le vote des travailleurs, entre autres. Du point de vue fédéral, on ne peut qu'espérer tenter de réunir la gauche pour faire front commun contre le droite et raisonner la CUL qui se montre très opportuniste actuellement. A ce niveau-là, on ne pourra rien faire de plus sinon tenter quelques propositions de loi avec l'aide de la LGU. Voilà ce que j'espère que sera mon action durant ce mandat.
Une petite question d'actualité pour terminer cette interview. L'Europe est en train de s'embraser, prise dans le courant des gilets jaunes initié chez nos voisins français. On y observe une action parfois très violente. Prônez-vous la violence pour lutter contre le capitalisme ? Détruire une banque ou un supermarché, est-ce pour vous un acte militant à cautionner ?!
Un acte à cautionner, ça peut paraître absurde à dire. C'est tout de même ce qui semble un acte qu'il faut faire puisque sans ça, les nations ne réagissent pas, prennent vos revendications pour des rêves illusoires ; quand vous cassez une banque ou un supermarché, quand les voitures commencent à brûler, quand il faut envoyer des blindés, enfin on applique des mesures, enfin le capitalisme recule. Dans ce cas, dans notre société, la violence matérielle -non physique- fait avancer la cause dans certains cas. C'est dur à dire mais nous sommes dans des régimes où la politique se fait par le discussion et le cassage de vitrine. Alors oui, le cassage matériel, je cautionne, parce que c'est le seul moyen de discuter avec nos élus, il n'y a qu'à voir le peu de discours qu'avait Von Bertha quand il était Chancelier, il n'y a qu'à voir comment agit le Maire d'Aspen face aux revendications. Tant qu'il n'y aura pas de violences ou que les citoyens ne les auront pas boutés des hauts postes, il n'y aura pas de discussion possible, il n'y aura pas de changement possible. Soit on utilise la violence, soit on utilise les urnes. J'ai décidé de dédier mon action par les urnes tout en ne condamnant jamais la violence. La première violence et je l'ai toujours dit que ça soit pour défendre les heurts à l'usine Pegaso d'Aspen ou à San Juan contre le projet de la CUL, c'est celle du capitalisme, la seconde violence n'est qu'une sorte de cri poussé pour survivre et pour tenter d'exister aux yeux des décisionnaires. Donc résolument, je cautionne et j'approuve cette violence d'autodéfense contre le système, contre la société, cette violence quand elle ne s'adresse qu'au matériel, celle-ci si noble qui n'a jamais foutu des migrants dans des charters, cette prétendue violence qui n'a jamais mis des familles à la rue, qui n'a jamais assassiné, exploité, oppressé ; celle-là je la soutiens.
Jean Bournay, merci de nous avoir accordé de votre temps.
Avec plaisir, merci à vous également, Alain Chouillard.