Les salaires combinés de Christine Boulakia, d'origine séfarade et héritière d'une société d'import-export dans le textile, et de Claude Morvan, professeur de Droit à l'Université d'Aspen II, avaient permis dès la fin des années 1990 d'acquérir un superbe appartement en plein cœur d'Aspen. A l'époque, le quartier était rempli de junkies et de prostituées, et aucun agent immobilier ne misait sur ce coin insalubre, pourtant si bien situé, à deux pas des administrations et des grands commerces. Désormais, les nouveaux riches s'arrachaient le moindre studio qui se libérait.
Claude était affairé dans la cuisine ouverte, préparant une blanquette de veau sur l'îlot central, coupant au hachoir la viande et éminçant avec précision les légumes, ensuite plongés dans une grande cocotte en fonte.
Sa fille arriva en coup de vent dans le salon : "Papa ! Encore une blanquette de veau ? Il fait trente degrés dehors !".
Rose Morvan-Boulakia, 23 ans, fierté de la famille, fraîchement diplômée de l'ENSSC, très prestigieuse et très onéreuse école de commerce d'Anglès. Son père répliqua : "Ma fille, si ta candidature se passe bien, dans quelques semaines tu seras embauchée dans une des plus grosses coopératives agricoles de notre cher pays. Tu te taperas des foires en rase campagne où tu mangeras de la saucisse à trois heures du matin, des salons agricoles où tu devras continuer à argumenter sur les produits phyto-sanitaires avec trois grammes d'alcool dans le sang, des restos routiers où tu ne devras pas broncher en voyant arriver l'assiette de fromage de tête du patron. Alors pardon, mais la blanquette de veau en plein été, c'est de la rigolade.
Tiens, si tu passes par la rue Visconti, passes par la cave à cigares et ramène moi une boite de Horacio Jacques Chancel."
Claude était affairé dans la cuisine ouverte, préparant une blanquette de veau sur l'îlot central, coupant au hachoir la viande et éminçant avec précision les légumes, ensuite plongés dans une grande cocotte en fonte.
Sa fille arriva en coup de vent dans le salon : "Papa ! Encore une blanquette de veau ? Il fait trente degrés dehors !".
Rose Morvan-Boulakia, 23 ans, fierté de la famille, fraîchement diplômée de l'ENSSC, très prestigieuse et très onéreuse école de commerce d'Anglès. Son père répliqua : "Ma fille, si ta candidature se passe bien, dans quelques semaines tu seras embauchée dans une des plus grosses coopératives agricoles de notre cher pays. Tu te taperas des foires en rase campagne où tu mangeras de la saucisse à trois heures du matin, des salons agricoles où tu devras continuer à argumenter sur les produits phyto-sanitaires avec trois grammes d'alcool dans le sang, des restos routiers où tu ne devras pas broncher en voyant arriver l'assiette de fromage de tête du patron. Alors pardon, mais la blanquette de veau en plein été, c'est de la rigolade.
Tiens, si tu passes par la rue Visconti, passes par la cave à cigares et ramène moi une boite de Horacio Jacques Chancel."