Manoir Lubenac

[Arthur Lubenac]

Le manoir, acquis par le père d'Arthur lors de sa retraite, est situé en banlieue chic d'Anglès. Il y vit avec sa femme et ses enfants encore à sa charge.

[Arthur Lubenac]

Le soir du 24 décembre.

Depuis qu'il était devenu Chancelier Suprême, Arthur vivait la plupart du temps à Aspen mais il faisait en sorte de passer au moins deux nuits par semaine à Anglès. Le rôle de maire qu'il occupait était en grande parti délégué à son adjoint pour des raisons pratiques.
Il était revenu fêter Noël en famille. Ses trois enfants étaient attablés, ainsi que sa femme, son frère et ses neveux et nièces.



Sa femme avait cuisiné une traditionnelle dinde aux marrons avec des haricots verts frais. Le foie gras venait d'une exploitation prestigieuse de la région de Pastelac et la buche qu'elle avait faite était fourré à la confiture de cranberry et nappée de chocolat noir.

Bon, qui vient à la messe de minuit ? demanda Arthur.

Évidemment toutes les mains se levèrent, la religion étant quelque chose de sacré chez les Lubenac. Arthur était très pieux, il allait à la messe tous les dimanche accompagné de sa femme. Il connaissait bien la paroisse et avait même enseigné le catéchisme passé un temps.

Oh, je vous laisse, un appel urgent.

Il alla dans la pièce à côté pour écouter ce que sa secrétaire avait à lui dire.

Un massacre ? Un père noël déséquilibré ? DES ENFANTS MORTS ?! Chouchenn ? Que je prononce un deuil national ? Que je revienne dès maintenant à Aspen ? QUOI ?!

Arthur était furieux lorsqu'il raccrocha, il ne pourrait assister à la messe de minuit. Il se présenta dans la salle à manger.

Bon, changement de programme. Un terrible crime vient d'avoir eu lieu à Chouchenn, on me demande dans les plus brefs délais. Pour la messe de minuit ce sera sans moi. Giovanni vous déposera tous à la messe et vous ramènera, moi je pars à l'aéroport sur-le-champ. Soyez sage.

Lorsqu'il sortit de son manoir, les gardes du corps accompagnèrent le Chancelier à sa voiture. On lui présenta sur une tablette Ipad la situation en direct à Chouchenn.

Évidemment c'est toujours au bon moment que ça arrive... Dites, montez-moi la clim' et mettez les gaz sur l'aéroport d'Anglès. J'espère que la machine à café fonctionne à fond dans l'avion. Tiens, dites au Vice-Chancelier, au ministre des Renseignements et à la ministre de la Santé que j'arrive d'ici deux heures. C'est pas possible ça... J'vous jure, si ça tenait qu'à moi pas un déséquilibré mental ne serait laissé en liberté sans un contrôle médical poussé...

[Arthur Lubenac]

Arthur était assis sur son bureau en train de lire son journal du jour. A côté de lui une tasse de thé indien qu'il buvait par intermittence.



Son téléphone vibra pour lui annoncer de décision de la maire de Kervern d'ériger une statue de Mouammar Kadhafi. Il recracha son thé sans avoir pu retenir son geste.

Elle a osé... Il appela sa secrétaire générale en urgence.

Oui Jacqueline, quelles sont les réactions pour euh.. tu sais... Kervern... Rien pour l'instant ? Tant mieux ! Il envoya un SMS pour dire à Charlotte qu'il était inquiet sur une éventuelle polémique mais qu'il soutenait la décision de rendre hommage à une figure du non-alignement et du Panafricanisme.

[Nicolas Lubenac]

Nicolas avait décidé de prendre quelques congés et de passer les fêtes de fin d'année à Anglès auprès de sa famille. Aîné de sa fratrie, il était probablement celui qui avait le mieux réussi. Son travail à la tête de FrôceTube lui prenait beaucoup de temps et il ne comptait plus ses heures depuis quelques mois déjà. Heureusement, il parvenait toujours à isoler du temps pour voir ses amis en dehors du travail.
Depuis que son père était Chancelier, il était de plus en plus sollicité par les médias qui voulaient en savoir plus sur le fils du chef du gouvernement et sa start up en pleine expansion. Il essayait de se faire discret et n'aimait pas répondre au tas de questions indiscrètes qui effleuraient la bouche des journalistes. Nicolas était en revanche content pour son père et le soutenait avec force.
Lorsqu'il frappa à la porte du manoir, il fut accueilli par sa mère.

-Oh Nicolas, vite entre ! Comment ça va ? Le voyage a été de tout repos ?

-Oh ba ça, la limousine affrétée par Belley était d'un confort divin. Il éclata de rire et posa ses affaires.

-Papa n'est pas là pour le week-end du nouvel an ?

-Bien sûr que si, il a insisté pour passer le nouvel an en famille et faire son allocution aux frôceux pour la nouvelle année en haut dans le bureau. Bonjour le monde qu'on va se taper le 31 au soir avec les aller et venu des médias et des journalistes...

N'ayant pas vu ses parents depuis quelques semaines, il sortit de son sac un paquet cadeau.

Tiens maman, c'est pour toi, Noël en retard.

Sa mère déballa le paquet et tomba sur un magnifique collier en or avec un diamant taillé en cœur avec un liseré d'or. Le bijou scintillait à la lumière du jour et avait une élégance particulière. La mère étreignit le fils et le remercia.

Et pour papa j'ai pris une montre avec alarme, il va en avoir un sacré usage pour écourter des visites indésirables. Ils rièrent puis prirent la direction de la salle de séjour.

[Arthur Lubenac]

Arthur avait pris un week-end de congé pour se reposer en compagnie de sa famille au manoir. Lors de ses périodes de repos il aimait cuisiner des pâtisseries pour le plus grand plaisir de sa femme. Alors qu'il était en train d’exécuter à la perfection sa crème anglaise qui allait accompagner sa tarte tatin, un responsable de la sécurité du Chancelier Suprême entra dans sa cuisine.

Monsieur...

Arthur s'arrêta quelques instants et fixa l'homme le regard vide.

J'ai compris...

Angela venait de partir. Il s'y était préparé au fond mais quand le moment fatidique arrive il est impossible d'être prêt à encaisser la nouvelle. Le Chancelier alla dans le salon s'asseoir dans son fauteuil près de la cheminée et y resta des heures entières sans bouger...