Le Venezuela, représentation parfaite de l'absurdité du socialisme

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Victor Karlsson-Marshall
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Re: Le Venezuela, représentation parfaite de l'absurdité du socialisme

Message par Victor Karlsson-Marshall »

Bon bah puisque le déterrage ne dérange plus personne, ça fait 10 mois que j'avais envie de faire une parenthèse pour revenir sur ce passage :
Caroline di Savoia-Carignano a écrit :Et concernant Pinochet, pour moi il était davantage nationaliste que conservateur, et c’était un dictateur tout aussi méprisable que son prédécesseur Allende ou que n’importe quel autre dictateur. C’est pour ça que je n’aime pas raisonner par droite/gauche, il y a seulement ceux qui sont dictateurs et ceux qui ne le sont pas.

En fait, peu de dirigeants peuvent se targuer d'être arrivé au pouvoir et d'avoir mis en place un programme socialiste de façon démocratique et légale, mais c'est effectivement le cas de Salvador Allende, lequel a succédé par une élection parlementaire à un président démocrate-chrétien dont la politique économique annonçait déjà celle d'Allende, d'ailleurs. Si Allende avait même obtenu le soutien des démocrates chrétiens à son élection, c'était justement parce qu'il s'était engagé à maintenir les libertés politiques et à oeuvrer à une révolution socialiste par la voie légale, en conformité avec les institutions existantes et en opposition à toute violence armée (la fameuse "voie chilienne vers le socialisme" sur laquelle Castro était si sceptique).

Le qualifier ipso facto comme un dictateur digne de Pinochet parce qu'il était proche des communistes, ou bien c'est par méconnaissance du sujet, ou bien c'est une grosse contradiction avec ce que tu as dit précédemment, à savoir que tu ne raisonnais pas par clivage droite/gauche mais seulement par ceux qui sont dictateurs et ceux qui ne le sont pas.
Car Salvador Allende, quoi qu'on puisse penser de sa politique économique, a maintenu et exclusivement gouverné au sein d'institutions républicaines aussi démocratiques que peut l'être une démocratie indirecte et en cela, ne peut décemment pas être qualifié de dictateur, qu'il soit d'extrême gauche ou non.
Et encore moins un dictateur comme le général qui lui a succédé, lequel a mis en place des escadrons de la mort chargés de traquer et d'exterminer ses opposants dans toute l'Amérique du Sud, fait de le torture une institution (dont des dizaines de milliers d'opposants seront victimes), et est responsable de plus d'une centaine de cas d'arrestations et détentions arbitraires et de milliers d'assassinats d'opposants. Et on ne parle que de ce qui a été reconnu, car vu le tabou autour de la question et l'amnistie dont ont bénéficié les responsables de la dictature, il a été estimé que moins de la moitié des crimes commis par le régime de Pinochet ont été résolus (cf le rapport de la commission Valech).

Concernant Pinochet et ses idées, c'était moins un vrai dirigeant politique qu'un vrai dictateur militaire. Quitte à définir son idéologie, difficile de trouver des éléments pour le qualifier de nationaliste, si ce n'est l'admiration qu'il suscitait dans les milieux anti-communistes. En revanche, de par sa forte coopération avec les Américains et les Britanniques, par sa libéralisation de l'économie et par sa promotion de l'ouverture du Chili au libre-échange, il était admiré par des dirigeants comme Margaret Thatcher et Ronald Reagan, et sa politique économique a été grandement saluée par des économistes comme Milton Friedman - pas vraiment des suppôts des politiques d'extrême-droite de l'époque.
Si on parle donc d'un point de vue strictement économique et non politique, Pinochet était bien plus proche d'un conservateur que d'un nationaliste - et ce n'est pas vraiment un hasard si après son avènement, d'anciens pontes des partis conservateurs chiliens ont parfaitement trouvés leur place dans les hautes institutions de l'administration dictatoriale de Pinochet. Après d'un point de vue politique, il est effectivement plus proche d'un dictateur nationaliste-conservateur comme Franco - même si, comme tu le dis, dictateur ou pas dictateur, ça ne dépend pas vraiment de questions d'idéologie droite/gauche.

Voilà, c'est tout, j'avais envie de le dire. Je vous laisse reprendre sur le Venezuela :mrred:


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Caroline di Savoia-Carignano
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Re: Le Venezuela, représentation parfaite de l'absurdité du socialisme

Message par Caroline di Savoia-Carignano »

Salvador Allende avait initialement pour projet de mener le Chili vers une dictature socialiste sur le modèle cubain. N'oublions pas que dès son élection - certes démocratiques - la DGI (en gros les services secrets cubains) ont tout mis en oeuvre pour que Salvador Allende consolide sa détention du pouvoir. N'oublions pas également que cette même DGI a assuré pendant longtemps sa protection, notamment dans le cadre des discours publics qu'il avait l'habitude de donner. On lui prête également la « neutralisation » de certains opposants politiques, bien évidemment les plus virulents. D'une manière plus générale, Allende était extrêmement proche de Castro et le considérait comme un modèle politique. S'il n'a pas pu aller au bout de son projet socialiste totalitaire au Chili, c'est justement grâce à une coalition parlementaire d'opposition gauche modérée/centre/droite.

Alors si, Allende était un dictateur politique en herbe. Certes il n'a pas pu aller au bout de son projet (et heureusement pour le Chili, qui serait peut-être encore sous l'escarcelle d'un régime totalitaire aujourd'hui) mais ça on ne le doit non pas à lui mais à l'opposition qui a fait bloc à l'époque, allant même jusqu'à rassembler la gauche et la droite. Le fait qu'il ait été élu démocratiquement et ait fait passer la plupart de ses réformes par la voie légale ne fait pas pour autant de lui un président démocrate.

Puis sa politique "sociale" on peut aussi la remettre légitimement en cause, peu de temps après son accession au pouvoir de nombreux mouvements de contestation issus des classes populaires se sont produits, forcément la réquisition des denrées avait provoqué des pénuries alimentaires qui touchaient en premier lieu ces dernières (ainsi que le petite bourgeoisie, en effet). D'ailleurs paradoxalement, les carences de son projet politique lui ont valu l'opposition violente d'une extrême-gauche encore plus radicale que le régime qu’il incarnait, autant que de la droite d’ailleurs. Enfin bref, tout ça pour dire qu’un individu qui réquisitionne les denrées de besoins primaires à sa population, pour moi c’est un dictateur. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, on pourrait écrire un roman sur les sévices d’Allende. J'avais un correspondant chilien au lycée dans le cadre de la classe d'espagnol, son grand-père a trois ans sous Allende car il appartenait à l'opposition, pourtant il n'était qu'un simple militant... Ça veut tout dire...

C’est pour ça que je suis toujours embêté de voir que cet individu est tant idolâtré, essentiellement par la gauche européenne d’ailleurs car la gauche sudam, elle, sait ce qu’il en était vraiment. Pour moi il est aussi honteux que l’on baptise des rues au nom de ce sinistre personnage dans de nombreuses villes… Et c’est aussi bien pour cela que je trouve le régime totalitaire de Maduro extrêmement proche de celui d’Allende, on retrouve exactement les mêmes maux (réquisitions, pénuries, privations de libertés, neutralisation de l’opposition…). Les Vénézuéliens ont juste pas de chance que l’opposition soit elle-même totalement tarée…

Au sujet de Pinochet, ce dernier incarnait initialement un nationalisme sinistre qui visait à affronter les Marxistes et se positionnait comme une solution à ses dérives. Pour moi, le fait qu’il ait tenté d’appliquer une politique économique basée sur la pensée friedmanienne n’occulte rien au fait qu’il s’agissait d’un Nationaliste.

Il y a eu une répression massive basée sur l’ethnie sous Pinochet. Les ressortissants des pays voisins notamment (en majorité des Argentins) étaient réprimés dans tous les sens du terme : travail, social, société… Et d’autres également réduits au rang d’esclave, notamment la diaspora africaine qui était déjà très présente en Amsud. Pinochet a clairement mis en place une sorte de préférence nationale , son régime injuste poursuivait avant tout une logique d’ethnie qu’une logique de défense des traditions (ce qu’est censé incarner un président conservateur).

Je suis bien d’accord avec toi quand tu qualifies Pinochet de dictateur militaire, je pense que personne y compris dans le rang des nostalgiques de son régime, ne peut prétendre le contraire. Mais je trouve maladroit de l’assimiler ainsi au conservatisme, ce serait accorder trop de crédit à Pinochet que de prétendre qu’il défendait réellement les valeurs traditionnelles. D’ailleurs comme je le disais au niveau de l’économie, Pïnochet était beaucoup plus proche d’une philosophie libérale (voire néolibérale, Friedman étant un peu le gourou des Néolibéraux) que d’une philosophie conservatrice : le conservatisme économique reste étroitement basé sur un État très présent voire régulateur, ce qui n’est pas le cas de Pinochet (ni de Mussolini d’ailleurs).

On peut tout à fait contester le conservatisme (ce qui est autant ton cas que le mien, je pense), rejeter toute politique visant à empêcher le progressisme social et sociétal, mais voilà, les dictateurs militaires sont à mettre dans une case particulière et il faut se rappeler que tous poursuivent le même but : détenir le pouvoir, ne plus le quitter et tout contrôler. Pinochet est parti de lui-même, c’est déjà ça : ce ne fut pas de tous les dictateurs similaires…

Pour moi y’a juste un truc à garder à l’esprit, de Pinochet ou Allende, il n’y a rien de positif à retenir, ce sont les heures les plus sombres connues par le Chili et aujourd’hui encore, les Chiliens subissent les stigmates de cette époque.

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Victor Karlsson-Marshall
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Re: Le Venezuela, représentation parfaite de l'absurdité du socialisme

Message par Victor Karlsson-Marshall »

Tu m'en diras tant sur le libéralisme de Pinochet, je pense que là-dessus on est d'accord. J'avoue que je n'ai pas vu de documents sur les exactions de Pinochet sur une répression ethnique. Sur le côté traditionnaliste en tout cas, Pinochet était en voie d'imposer une politique conservatrice classique à l'image de ce qu'avait fait Franco, avec notamment l'abolition du droit au divorce qui avait été instauré par Allende, et s'est récupéré le soutien des plus fervents religieux, et aura même permis à des sectes d'inspiration catholiques de collaborer avec ses services de renseignements (un film est sorti dessus récemment, je n'ai plus le nom mais faudra que je le retrouve car c'était plutôt intéressant :laugh: ).
Enfin, conservateur ou néolibéraux, disons que pour l'époque, en tout cas pour les trois exemples de personnalité que je t'ai cité, c'était très lié. Mais en soit, dans ces cas-là, il y aurait autant raison de dire que Pinochet était un libéral, un conservateur (pour l'époque) ou un nationaliste. Concernant Friedmann, je parlais plus de l'admiration que ce dernier portait à l'action de Pinochet plus que de ce que Pinochet pouvait suivre de ses préceptes. C'est d'ailleurs à Friedmann qu'on doit le surnom de "miracle chilien" pour juger de l'évolution économique du pays pendant la dictature de Pinochet.

Tu te trompes quand tu parles de la relation Castro/Allende. Les deux hommes étaient très proches, mais pas en phase sur le plan politique, bien que proche car visant un objectif commun. Castro reconnaissait les différences qui subsistaient entre eux sur la façon d'atteindre l'idéal socialiste - pour Castro la révolution armée, pour Allende la révolution dans le respect du cadre institutionnel. Castro n'avait d'ailleurs pas manqué d’embarrasser Allende en public sur ce qu'il trouvait peu crédible dans sa façon de gouverner, et ce afin de justifier sa propre vision du socialisme qui d'après Castro passe inévitablement par la rébellion armée.
Et sa seule amitié avec Castro ne veut pas dire grand chose de plus sur l'hypothétique caractère totalitaire du mandat Allende. Sauf à considérer que tous ceux qui furent de grands amis de Castro, à l'instar du clan Trudeau, sont également de fieffés marxistes totalitaires, mais je pense que je l'aurais remarqué.

Sur l'action des services secrets cubains, l'influence était réelle, effectivement. Et elle n'avait rien de comparable à l'influence dont se servait les renseignements extérieurs américains à l'époque pour nuire aux intérêts chiliens. On peut tout à faire reprocher à Allende de s'être acoquiné avec le régime cubain sur ce point, mais pour l'époque, n'importe quel président chilien, qui aurait subi la pression des puissances étrangères occidentales que subissait le Chili d'Allende, se serait bien abstenu de cracher sur le moindre soutien disponible face aux USA. Parce que la grande démocratie américaine était prête à tout pour renverser la république chilienne et y établir une dictature fantoche. Je rappelle le bon mot de Nixon à la CIA au sujet du Chili, "Make the economy scream" (cf les documents déclassifiés de 74). Faire hurler l'économie chilienne dans le but de favoriser l'insurrection contre Allende et de protéger les intérêts américains dans la région (et surtout d'y réduire l'influence des communistes). Dieu sauve Nixon et l'Amérique qui ont réussi dans leur entreprise, ont renversé le tyran communiste et ont instauré la belle démocratie sauce Pinochet qui aura tant profité au Chili, qui en paye encore les réparations.

Une influence qui aura persisté et se sera amplifié avec les politiques d'Allende qui, c'est certain, étaient clivantes (et encore, Allende était un modéré au sein de l'Unidad Popular). On ne peut pas dire que les premières mesures posaient problème : un minimum pour vivre à chaque enfant, l'introduction au droit au divorce, la hausse générale des salaires, une baisse exceptionnelle du chômage ; dans les débuts, sa politique aura même permis une belle progression du PIB et un recul de l'inflation mais forcément, la nécessité de tout financer l'aura conduit à faire exploser l'inflation, ce qui fut proprement désastreux pour l'économie du pays. (et qui aura conduit à la pénurie de denrées alimentaires puisque tu en parles)
Mais n'oublie pas non plus l'importance de l'influence étrangère car il faut se rappeler qu'Allende, avec sa politique très protectionniste ne s'est pas fait que des amis. En fait, sa politique de nationalisation de nombreux secteurs de l'économie l'a fait se mettre à dos de nombreux acteurs étrangers, et beaucoup d'acteurs américains et internationaux se sont dès lors opposé aux politiques d'Allende (rien de très surprenant cela dit). Et il faut se dire que sur la fin, la grève des camionneurs a reçu un soutien financier conséquent des États-Unis à l'époque, tandis que les revendications simili-prolétariennes de la grande "marche des casseroles" émanaient quasi totalement des beaux quartiers de Santiago de Chile.
Et là-dessus, Allende n'a pas agi en leader démocratique et a eu une dérive autoritaire. L'état d'urgence pour briser les grèves, avec les conséquences qu'a toujours un état d'urgence, son veto apposé au projet de réforme constitutionnelle Hamilton-Fuentealba, la nomination de militaires au gouvernement, le refus de mettre à pied un ministre mis en cause dans des cas de violence contre des opposants, même s'il s'est maintenu dans le cadre légal et institutionnel chilien, Allende n'a pas brillé sur la fin. Et si on peut très bien comprendre la tentative ratée des députés de l'opposition de renverser le président, puis d'en appeler à l'armée pour destituer le président Allende, elle n'en avait pas moins rien de légitime.

On n'est pas là pour juger de ce qui aurait pu être ou non au Chili, en tout cas me concernant, je préfère me fier aux faits. Allende n'était pas le moindre piètre des dirigeants chiliens mais il ne mérite pas d'être assimilé à celui qui a causé sa chute, ni d'être rangé dans la section des dictateurs sanguinaires. Allende a agi sur la fin comme un dirigeant autoritaire pour faire appliquer un projet mais non pour accumuler le pouvoir entre ses mains - il s'est d'ailleurs, tout au long de son mandat, appuyé sur une coalition pluripartite diversifiée qu'il estimait infiniment plus efficace pour mener à bien le projet socialiste qu'un parti unique comme c'était de mise dans le reste des pays communistes.
D'ailleurs, puisqu'on parle de ceux qui accumulent le pouvoir entre ses mains, il est faux de dire que Pinochet est parti de lui-même. Il est parti après un référendum qui, s'il lui avait été favorable, auraient maintenu ses pouvoirs jusqu'en 90. Référendum qu'il a donc perdu à la faveur de ses adversaires, avec 44% seulement de soutien, le forçant à renoncer au pouvoir. Ça ne l'a pas empêché de rester à la tête de l'armée par la suite, et ce jusqu'à se décider à prendre sa retraite à 83 ans, tu parles d'un renoncement.

Au final, sur l'idolâtrie au sujet d'Allende, elle ne me semble pas si exagérée que ça quand on voit l'idolâtrie autour de figures politiques bien plus contestables. Mais je pense que l'admiration qu'il suscite réside infiniment plus dans l'image de sa chute que dans son oeuvre comme président.
Allende est surtout un symbole pour la gauche, le symbole des tentatives, qu'on les apprécie ou pas, de changer le fonctionnement de l'économie sans passer par un bain de sang, d'une voie alternative vers la fameuse utopie socialiste. Mais aussi et surtout le symbole de tous les régimes qui ont sombré dans les pires dictatures que l'Amérique latine a connu parce que les Etats-Unis, en quête de limiter à tout prix l'influence de leur rival soviétique et de protéger leurs intérêts économiques, en ont décidé ainsi. Le Plan Condor auquel les Etats-Unis ont apporté leur soutien, c'est près de 70 000 morts, plus de 400 000 arrestations d'opposants politiques. En Europe, Allende est le symbole le plus connu des conséquences de l'impérialisme étatsunien en Amérique latine pendant la Guerre Froide, même si je te l'accorde, il n'en demeure pas moins controversé en tant que président.

Et en cela, je trouve le symbole d'Allende, président controversé mais élu démocratiquement, renversé par la force et remplacé par un dictateur meurtrier au nom de la lutte contre le danger rouge, bien plus tolérable que celui de Pinochet, montré encore aujourd'hui en exemple, comme le héros du Chili qui a redressé l'économie et l'a sauvé du communisme, qui a obtenu la bénédiction des élites occidentales et qui a pu vivre tranquille dans son pays jusqu'à sa mort, malgré les quelques 130 000 de ses concitoyens qui ont subis des détentions arbitraires et inhumaines et les quelques 40 000 qui ont subis la torture sous son autorité. Et même malgré les 27 millions qu'il a détourné, c'est dire comment on l'a laissé tranquille.
Et rien que pour ça, pour moi, quelque soit ton avis sur Pinochet ou Allende et même au fond que tu considères ou non les deux comme des dictateurs, en terme de bilan, tu ne peux pas les traiter de la même façon. Allende n'était pas un sanguinaire comme Pinochet et quel que pu être l'action d'Allende sur l'économie, elle n'atteindra jamais le poids du bilan humain de la dictature de Pinochet.


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Re: Le Venezuela, représentation parfaite de l'absurdité du socialisme

Message par Caroline di Savoia-Carignano »

Tu m'en diras tant sur le libéralisme de Pinochet, je pense que là-dessus on est d'accord. J'avoue que je n'ai pas vu de documents sur les exactions de Pinochet sur une répression ethnique. Sur le côté traditionnaliste en tout cas, Pinochet était en voie d'imposer une politique conservatrice classique à l'image de ce qu'avait fait Franco, avec notamment l'abolition du droit au divorce qui avait été instauré par Allende, et s'est récupéré le soutien des plus fervents religieux, et aura même permis à des sectes d'inspiration catholiques de collaborer avec ses services de renseignements (un film est sorti dessus récemment, je n'ai plus le nom mais faudra que je le retrouve car c'était plutôt intéressant :laugh: ).

Bien-sûr, il est revenu sur de nombreuses choses qui avaient été mises en place par Allende, car il se positionnait tout simplement comme l'antithèse de ce dernier et c'est aussi par le biais du fort rejet populaire envers Allende qu'il avait réussi à obtenir le plébiscite des Chiliens (sachant qu'à mon avis, le peuple s'est très vite senti con d'avoir suivi un tel olibrius :lol!: ). Donc forcément, quand tu légitimes ton pouvoir en te positionnant comme le contraire de celui qui était avant toi, tu reviens sur ce qu'il a pu faire. À mon avis, Pinochet était beaucoup trop stupide et taré pour envisager de poursuivre un projet conservateur cohérent. Encore une fois, je suis totalement hostile à toute forme de conservatisme, mais pour moi le conservatisme ça reste avant tout une doctrine du statu quo en opposition à toute forme de progrès (quelle que soit sa nature...) ou à la philosophie des Lumières...

Et puis bon, je ne connais aucun Conservateur qui se réclame de Pinochet, tout comme aucun Nationaliste ne se réclamerait d'Hitler (d'ailleurs je croise aussi très peu de Socialistes, finalement, qui ont de l'estime pour Allende). Je pense qu'un profil qui se rapprocherait d'un Conservateur au sens philosophique du terme pourrait par exemple être Ronald Reagan - qui en plus poursuivait un projet économique pas si éloigné que ça de la philosophie friedmanienne.

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Enfin, conservateur ou néolibéraux, disons que pour l'époque, en tout cas pour les trois exemples de personnalité que je t'ai cité, c'était très lié. Mais en soit, dans ces cas-là, il y aurait autant raison de dire que Pinochet était un libéral, un conservateur (pour l'époque) ou un nationaliste. Concernant Friedmann, je parlais plus de l'admiration que ce dernier portait à l'action de Pinochet plus que de ce que Pinochet pouvait suivre de ses préceptes. C'est d'ailleurs à Friedmann qu'on doit le surnom de "miracle chilien" pour juger de l'évolution économique du pays pendant la dictature de Pinochet.

Un dictateur ne doit être assimilé à aucune philosophie politique, car un dictateur ne gouverne que dans ses intérêts par ses intérêts. En général, le dictateur n'a que faire de l'évolution de son pays, de sa situation sociale et du bien-être de sa population. D'ailleurs, je pense même que certains Socialistes de conviction pourraient vivre comme une insulte le fait qu'on assimile Allende au socialisme. Tout comme des Conservateurs n'aimeraient pas qu'on leur assimile Pinochet. Pour les Libéraux, c'est encore pire... Pour moi, un Libéral est quelqu'un qui est fondamentalement attaché aux libertés, qu'elles soient humaines ou économiques. Ceux qui comme cet étron de Friedman avaient la prétention d'incarner la philosophie libérale tout-en se satisfaisant de voir des mecs comme Pinochet sévir dans leur pays, demeurent très critiqués dans la communauté libérale...

Tu te trompes quand tu parles de la relation Castro/Allende. Les deux hommes étaient très proches, mais pas en phase sur le plan politique, bien que proche car visant un objectif commun. Castro reconnaissait les différences qui subsistaient entre eux sur la façon d'atteindre l'idéal socialiste - pour Castro la révolution armée, pour Allende la révolution dans le respect du cadre institutionnel. Castro n'avait d'ailleurs pas manqué d’embarrasser Allende en public sur ce qu'il trouvait peu crédible dans sa façon de gouverner, et ce afin de justifier sa propre vision du socialisme qui d'après Castro passe inévitablement par la rébellion armée.

Allende avait beau se réclamer différent de Castro, il utilisait tout de même des méthodes très proches de celles du régime cubain. Un type qui affame son peuple, emprisonne voire fait disparaître ses opposants les plus virulents, gouverne de manière totalement autocratique, contourne ouvertement le Congrès et les lois pour faire passer certaines choses, a une attitude hostile envers les médias qui ne sont pas à sa botte... Ce n'est pas un président démocrate et encore moins quelqu'un que l'on peut admirer. Alors ok, Allende n'était pas un adepte de la révolution par les armes, mais son concept de "révolution dans le respect du cadre institutionnel", c'était un leurre énormissime.

Bon et puis j'aimerais bien voir ce qu'il arriverait à un président démocrate, de nos jours, s'il utilisait les services secrets d'une dictature pour assurer sa protection personnelle. :lol!:

Sur l'action des services secrets cubains, l'influence était réelle, effectivement. Et elle n'avait rien de comparable à l'influence dont se servait les renseignements extérieurs américains à l'époque pour nuire aux intérêts chiliens. On peut tout à faire reprocher à Allende de s'être acoquiné avec le régime cubain sur ce point, mais pour l'époque, n'importe quel président chilien, qui aurait subi la pression des puissances étrangères occidentales que subissait le Chili d'Allende, se serait bien abstenu de cracher sur le moindre soutien disponible face aux USA. Parce que la grande démocratie américaine était prête à tout pour renverser la république chilienne et y établir une dictature fantoche. Je rappelle le bon mot de Nixon à la CIA au sujet du Chili, "Make the economy scream" (cf les documents déclassifiés de 74). Faire hurler l'économie chilienne dans le but de favoriser l'insurrection contre Allende et de protéger les intérêts américains dans la région (et surtout d'y réduire l'influence des communistes). Dieu sauve Nixon et l'Amérique qui ont réussi dans leur entreprise, ont renversé le tyran communiste et ont instauré la belle démocratie sauce Pinochet qui aura tant profité au Chili, qui en paye encore les réparations.

On ne combat pas le mal en s'associant à un autre mal. Il y avait une autre voie qu'être dans le camp des totalitaires cubains pour combattre les manipulations américaines. En tout cas, ni les USA ni Cuba n'étaient des interlocuteurs décents. Le Chili aurait tout simplement pu suivre une autre voie et s'affranchir de ces parties prenantes de la Guerre Froide, d'autres pays l'ont bien fait après tout. Pour ce que tu dis sur les sévices commis par les Américains en Amérique du Sud, je suis tout à fait d'accord avec toi, les Américains ont fait un réel carnage dans la partie sud du continent et cela explique aussi pourquoi aujourd'hui encore, la majorité des Sudams sont hostiles aux Américains. Mais quand bien même, cela ne justifie pas l'acoquinement, je ne suis pas d'accord quand tu estimes que le Chili n'avait d'autre choix que de se soumettre à l'un ou à l'autre.

Mais n'oublie pas non plus l'importance de l'influence étrangère car il faut se rappeler qu'Allende, avec sa politique très protectionniste ne s'est pas fait que des amis. En fait, sa politique de nationalisation de nombreux secteurs de l'économie l'a fait se mettre à dos de nombreux acteurs étrangers, et beaucoup d'acteurs américains et internationaux se sont dès lors opposé aux politiques d'Allende (rien de très surprenant cela dit). Et il faut se dire que sur la fin, la grève des camionneurs a reçu un soutien financier conséquent des États-Unis à l'époque, tandis que les revendications simili-prolétariennes de la grande "marche des casseroles" émanaient quasi totalement des beaux quartiers de Santiago de Chile.

Ça en effet c'est une chose. Ce sont les arguments avancés à l'époque par l'opposition de droite mais je pense que ce n'est pas en ce sens qu'Allende s'est attiré l'hostilité de son peuple. Ce qui semblait gêner le plus, selon ce que j'ai pu lire, c'est qu'Allende se torchait ouvertement avec le droit chilien, la preuve en est qu'il a refusé d'appliquer des milliers de décisions rendues par la Cour Suprême chilienne, car elles n'allaient pas en son sens à lui. On appelle tout simplement ça un mépris des institutions et du processus démocratique.

On n'est pas là pour juger de ce qui aurait pu être ou non au Chili, en tout cas me concernant, je préfère me fier aux faits. Allende n'était pas le moindre piètre des dirigeants chiliens mais il ne mérite pas d'être assimilé à celui qui a causé sa chute, ni d'être rangé dans la section des dictateurs sanguinaires. Allende a agi sur la fin comme un dirigeant autoritaire pour faire appliquer un projet mais non pour accumuler le pouvoir entre ses mains - il s'est d'ailleurs, tout au long de son mandat, appuyé sur une coalition pluripartite diversifiée qu'il estimait infiniment plus efficace pour mener à bien le projet socialiste qu'un parti unique comme c'était de mise dans le reste des pays communistes.

Pour moi il n'y a pas de sous-catégories dans la famille des dictateurs. Bien que non sanguinaire, Allende était bel et bien un dictateur. Sous Allende, il n'y avait pas de séparation des pouvoirs surtout à la fin (comme tu l'as dit), les décisions de justice n'étaient jamais respectées, les opposants étaient réprimés et les médias en partie privés de leur liberté de presse. Pour moi, ces éléments suffisent à classifier Allende dans le camp des dictateurs. On pense trop souvent que les seuls dictateurs sont ceux qui font des milliers voire des millions de morts, mais en fait cela englobe davantage que cela.

D'ailleurs, puisqu'on parle de ceux qui accumulent le pouvoir entre ses mains, il est faux de dire que Pinochet est parti de lui-même. Il est parti après un référendum qui, s'il lui avait été favorable, auraient maintenu ses pouvoirs jusqu'en 90. Référendum qu'il a donc perdu à la faveur de ses adversaires, avec 44% seulement de soutien, le forçant à renoncer au pouvoir. Ça ne l'a pas empêché de rester à la tête de l'armée par la suite, et ce jusqu'à se décider à prendre sa retraite à 83 ans, tu parles d'un renoncement.

Pinochet aurait tout à fait pu se torcher avec les résultats de ce référendum et rester tout de même. D'ailleurs, on dit qu'apparemment, il aurait beaucoup hésité à respecter ou non la décision populaire, et que ce sont ses proches conseillers qui lui auraient demandé de s'en aller, histoire qu'il bénéficie d'une douce fin de vie. :lol!:

Au final, sur l'idolâtrie au sujet d'Allende, elle ne me semble pas si exagérée que ça quand on voit l'idolâtrie autour de figures politiques bien plus contestables. Mais je pense que l'admiration qu'il suscite réside infiniment plus dans l'image de sa chute que dans son oeuvre comme président.

Moi si, cette idolâtrie me semble tout à fait déplacée et elle me dérange donc. Il suffit de se documenter pour comprendre qui était vraiment Allende ; or il me semble quand-même que lorsqu'on idolâtre quelqu'un, on le fait en connaissance de cause. Je ne vois décemment pas en quoi Allende pourrait incarner un idéal, y compris pour des Socialistes convaincus. Ce mec est justement la marque d'une dérive totalitaire du socialisme, à mon avis il y a de meilleures figures historiques du socialisme qui mériteraient autant de crédit.

Allende est surtout un symbole pour la gauche, le symbole des tentatives, qu'on les apprécie ou pas, de changer le fonctionnement de l'économie sans passer par un bain de sang, d'une voie alternative vers la fameuse utopie socialiste. Mais aussi et surtout le symbole de tous les régimes qui ont sombré dans les pires dictatures que l'Amérique latine a connu parce que les Etats-Unis, en quête de limiter à tout prix l'influence de leur rival soviétique et de protéger leurs intérêts économiques, en ont décidé ainsi. Le Plan Condor auquel les Etats-Unis ont apporté leur soutien, c'est près de 70 000 morts, plus de 400 000 arrestations d'opposants politiques. En Europe, Allende est le symbole le plus connu des conséquences de l'impérialisme étatsunien en Amérique latine pendant la Guerre Froide, même si je te l'accorde, il n'en demeure pas moins controversé en tant que président.

À défaut de passer par un bain de sang, Allende l'a fait en pissant ouvertement sur les institutions, sur le parlement et sur son peuple. Ce n'est guère mieux en fait... Et puis de toute façon, les types qui vont t'ériger Allende en héros sont les premiers à prétendre combattre les régimes autoritaires qui existent aujourd'hui. Curieuse contradiction...

Et en cela, je trouve le symbole d'Allende, président controversé mais élu démocratiquement, renversé par la force et remplacé par un dictateur meurtrier au nom de la lutte contre le danger rouge, bien plus tolérable que celui de Pinochet, montré encore aujourd'hui en exemple, comme le héros du Chili qui a redressé l'économie et l'a sauvé du communisme, qui a obtenu la bénédiction des élites occidentales et qui a pu vivre tranquille dans son pays jusqu'à sa mort, malgré les quelques 130 000 de ses concitoyens qui ont subis des détentions arbitraires et inhumaines et les quelques 40 000 qui ont subis la torture sous son autorité. Et même malgré les 27 millions qu'il a détourné, c'est dire comment on l'a laissé tranquille.

Allende est le symbole d'un président élu démocratiquement qui, dès lors qu'il détenait le pouvoir, a appliqué une politique autocratique et autoritaire au mépris comme je l'ai dit des institutions et de son peuple. Quel symbole, ça fait rêver. :/

Pinochet un héros ? Alors les seuls qui osent penser ça sont soit ceux qui n'ont pas étudié du tout l'histoire, soit ceux qui sont ouvertement adeptes de la dictature. :tearsjoy:

Et rien que pour ça, pour moi, quelque soit ton avis sur Pinochet ou Allende et même au fond que tu considères ou non les deux comme des dictateurs, en terme de bilan, tu ne peux pas les traiter de la même façon. Allende n'était pas un sanguinaire comme Pinochet et quel que pu être l'action d'Allende sur l'économie, elle n'atteindra jamais le poids du bilan humain de la dictature de Pinochet.

Cf ce que j'ai dit plus haut, pour moi il n'y a que deux familles : les dictateurs et les autres. Les dictateurs sont de sombres étrons, sanguinaires ou non. Et j'aimerais pour finir dire que Pinochet et Allende sont très bien là où ils sont désormais, six pieds sous terre. :D

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