Passation de pouvoir

[Victor Karlsson-Marshall]

Au moment où Victor levait sa main de la Constitution, il sentait un sentiment étrange. Ce sentiment d'être enfin, après avoir lutté pendant longtemps, après y avoir été promis depuis des années, parvenu à la hauteur de ses ambitions. Il serra la main du Président de la Cour Suprême, sous les applaudissements de l'assemblée qui venait d'assister à l'investiture du jeune chancelier.
Il avait aussi ce sentiment, plus pesant, qu'il découvrait, et que le regard des témoins de son investiture semblait confirmer : à présent, l'avenir du pays dépendrait de lui. Depuis cet instant, Victor n'était plus le jeune politicien ambitieux beaucoup trop médiatisé. A ce moment, Victor Karlsson était le Chancelier Suprême.

Tout juste conscient de la charge qui pesait maintenant sur ses épaules, il se tourna vers Eliott qui avait les larmes aux yeux. Son regard en disait long sur ce qu'il éprouvait et il fut très ému par ses mots. Il lui prit la main et ils saluèrent ensemble l'assemblée. Puis il lui répondit, en chuchotant lui-aussi :

C'est notre heure.

Puis voyant que tous étaient témoins de la complicité entre les deux hommes, Victor embrassa Eliott. Avec la retenue que la situation exigeait, mais sans peser l'émotion qu'il transmettait à son compagnon par ce geste, aussitôt immortalisé par les dizaines de journalistes accrédités présents comme en témoigna le crépitement des flashs qui suivit.

Il salua ensuite une dernière fois la foule présente, sachant qu'il devrait la retrouver plus tard au même endroit pour son discours inaugural et la conférence de presse qui suivrait. Mais pour l'heure, il était temps pour lui et pour Eliott de se retrouver. Il sortit de la salle, le tenant par la main, puis il fut conduit à ses appartements par le maître d'hôtel, s'éloignant du brouhaha enthousiaste qui résonnait encore à l'extérieur.