Demande de subventions

[Réo Lagycle]

Réo Lagycle se présenta au bureau d'Anastasia, vêtu d'une très belle chemise à moitié ouverte pour donner à voir son plombant torse abondamment velu, équipé de ses lunettes noires qu'il ne quittera à aucune occasion, et portant à la main une sélection de Blu-Ray de ses plus belles œuvres, dont les jaquettes des boites ne laissent aucun doute sur le contenu.
Il commença à prendre la parole en imitant (mal) l'accent italien, inapte à cacher le fort accent québécois encore très saillant.

Bonjour, chère madame.

Je suis ravi de trouver enfin une région avec laquelle parler. J'ai malheureusement vécu une mauvaise expérience dans la province de Transalpie, lorsque j'y vivais avec l'une de mes anciennes épouses - la troisième, je crois, mais je ne suis pas sûr - et que j'ai tenté de monter mon entreprise, en honnête citoyen que je suis. La libre entreprise, quelle belle plaisanterie! Tentant malgré l'adversité de réaliser mes projets les plus fantasques et fantasmants, je me suis heurté aux multiples refus des autorités réactionnaires. Franchement, que n'y a-t-il de plus beau qu'une splendide créature avide d'amour que quatorze apollons consentent à lui donner lors d'une cérémonie importée du Japon? J'ai toujours pensé qu'il était préférable de donner que de recevoir. Et aussi qu'il était malpoli de parler la bouche pleine, mais je sors du sujet.

J'ai profondément apprécié votre intervention concernant mon dernier film. J'ai été visionnaire en décidant de raconter, à ma manière, les rapports parfois conflictuels, parfois passionnels, entre les élèves et le monde enseignant. Vous voyez, les adolescents ont besoin de rêver et de nourrir leur imaginaire, et je suis toujours disposé à leur apporter le coup de main qu'ils espèrent quand la vie devient trop dure.
Aussi j'aimerais poursuivre ma pénétration du marché cinématographique, et je n'ai pas peur de la folie des grandeurs. Mon prochain projet est très ambitieux, et j'ai cru comprendre que votre parti politique souhaitait promouvoir le cinéma pornographique de qualité. La qualité a un prix. C'est pour cela que j'ai besoin que vous m'arrosiez, d'une certaine manière, de l'intarissable fontaine de subventions.

En bref, la province de Septimanie serait-elle prête, sous votre gouvernance, à participer financièrement à la réalisation de ma prochaine oeuvre d’art?

[Anastasia Mendoza Ojeda]

Vous êtes le bienvenu monsieur Lagycle, notre province a besoin d'entrepreneurs ambitieux tels que vous, qui n'hésitent pas à aller au contact pour accomplir leurs désirs les plus fous.

Les éloges sur "Frocian Institue" étaient sincères, les actrices étaient formidables, elles étaient presque aussi chaudes qu'un volcan en éruption et les acteurs n'étaient pas en reste, aussi durs que la roche. Il aurait été dommage de brider ces jeunes talents pour quelques relents moralistes d'un autre siècle.

Pour l'heure nous ne disposons pas du cadre permettant de financer un film, mais il se trouve que nous étions en train de rédiger un projet créant un centre du film destiné à financer tous les cinémas, l'art et la liberté sont particulièrement chers à la CUL, je pense que nos partenaires de coalition ne verront aucune objection.

Je ne doute pas que vu les critères posés, la subvention vous sera accordée si vous consentez à tourner cette œuvre en Septimanie, j'espère cependant qu'elle ne sera pas trop molle, il se trouve que j'ai envie de frapper un grand coup dans l'actualité, il y a certains qui l'ont bien cherché ces temps-ci.

[Réo Lagycle]

Je ne fais jamais les choses mollement, soyez-en assurée.

Je m'engage effectivement à faire honneur à votre belle province et sa culture locale. Vous ne serez pas déçue, et vos opposants non plus.