Discours d'Enrique Mataró (UPP) à la Centrale des Travailleurs Catalans
Travailleurs, travailleuses,
En tant que gouverneur, beaucoup d’entre vous doivent me connaître comme un élu progressiste. Mais aujourd’hui, je m'adresse à vous comme socialiste, comme un fervent admirateur de la force insolente des travailleurs catalans.
Il faut d'abord reconnaître que vu de loin, nous autres, Catalans, n'avons pas à nous plaindre : travail à 32 heures, le salaire moyen le plus élevé du pays et le premier PIB/habitant...
Pour autant, ça ne veut pas dire qu’il faille reculer sur les droits des travailleurs, au contraire. Nous avons une avance, dont il nous faut profiter dans la poursuite de notre idéal de société.
Nous avons un rôle crucial à jouer pour poursuivre cette mutation, du capitalisme déshumanisé à une économie à échelle humaine.
La Province doit être le rempart des citoyens, contre les abus et dangers qui les guettent. Et le monde du travail, qui conditionne nos vies, n'y échappe pas.
Quand on voit des patrons décider de mettre un terme à la carrière d’employés pour des motifs rarement justifiés, il apparaît évident qu’un cadre doit être instauré.
Alors les conditions liés aux licenciements économiques seront durcies, sans vraie justification, il ne sera pas possible d'y recourir. De plus, le comité d’entreprise aura un droit de veto sur toute procédure de licenciement économique qui ne serait pas dûment justifiée, et sur toute autre décision qui impacterait sérieusement l’avenir de l’entreprise et de ses salariés.
En cas de licenciement économique, les salaires de dirigeant seront verrouillés. On ne verra plus de patrons se débarrasser de dizaines d’employés pour s’augmenter de 80% derrière. Plus généralement, les salaires seront encadrés : la plus haute rémunération ne pourra correspondre à plus de 15 fois le salaire le plus bas. Parce-qu'aucun dirigeant ne peut prétendre valoir autant que des centaines d’ouvriers payés au SMC.
Alors bien sûr, certains affirmerons que si un patron bénéficie de rémunérations folles et de passe-droits, c'est parce qu'il a de lourdes responsabilités.
Mais où était la responsabilité des dirigeants de Pegaso lorsqu'un salarié s'est donné la mort à cause des horreurs qu'il subissait à son travail ? Cachée, derrière le gouvernement libéral-conservateur.
Et quoi, au final ? D’une part, ceux qui se sont révoltés après la tragédie, licenciés, sur le banc des accusés. De l’autre, les dirigeants de Pegaso, jamais inquiétés malgré leur participation ou leur silence complices. Où est la responsabilité ?
Et le plus grave, c’est que Pegaso n'est malheureusement pas un cas isolé.
Mettre fin à ces conditions de travail dégradantes et dévalorisantes devient la priorité.
Aussi, nous inscrirons dans le droit catalan la reconnaissance de la responsabilité des dirigeants et des supérieurs hiérarchiques dans l'atmosphère de travail. Dès lors, pour un patron, mettre un terme aux nuisances relationnelles, physiques ou émotionnelles que subiraient ses salariés sera autant dans l'intérêt commun que de son propre intérêt.
Nous créerons un Conseil de l'Éthique Professionnelle, qui pourra être saisi à chaque fois qu'un salarié se voit bafoué dans ses droits ou abusé par sa hiérarchie, et qui aura à sa charge d'offrir l'assistance nécessaire à tout travailleur victime de ces abus.
Celui-ci aura également mission d'évaluer les entreprises auxquels les autorités catalanes feraient appel. Dès août, un moratoire sera établi sur les activités de ces entreprises et la Catalogne rompra avec toutes celles ayant recours à des méthodes managériales défaillantes et nuisibles, négligeant les droits des travailleurs ou abusant de la législation actuelle pour le profit de ses dirigeants.
Il sera de plus acquis qu’une entreprise frauduleuse comme EWI n’aura rien à attendre du gouvernement élu par les catalans. Jamais, en Catalogne, des chefs d'entreprises malhonnêtes ne bénéficieront du moindre passe-droit.
J'entends d'ici les ultra-libéraux s'insurger contre de prétendues atteintes à la liberté d'entreprendre. Nous leur répondons : nous croyons en la liberté d'entreprendre. Mais nous ne reconnaissons aucune liberté à nuire à des salariés dans le cadre de leur travail, ni à s'enrichir indéfiniment au détriment d'autrui.
Mais on connait déjà ce discours : laissons les riches s’enrichir démentiellement et passer outre la loi, en espérant qu'un jour, ils rendent des comptes. En gros, si la table est très bien servie au banquet des Dieux, lorsqu’ils auront la bouche trop pleine, ceux en bas pourront prier pour quelques miettes.
En écoutant ça, je repense à un écrit de Paul Éluard : "Pour être heureux, il faut simplement y voir clair et lutter sans défaut."
Alors soyons clairs, nous ne voulons pas des restes de ceux qui se gavent à la table des puissants. Nous voulons que les premiers à créer la richesse, sans qui notre société resterait au point mort, en bénéficient vraiment.
Les entrepreneurs peuvent créer des emplois, mais c'est vous, travailleurs, qui créez les richesses.
Travailleurs, travailleuses, voilà tout le sens de mon projet : vous redonner le pouvoir, et réduire celui de ceux qui ne font qu'accumuler. Votre gouvernement restera de votre côté et dépendra de vous.
Pour finir, je me fies une dernière fois au bon mot de Paul Éluard : "N'attendons pas un seul instant, levons la tête. Prenons d'assaut la terre. Nous le savons, elle est à nous, submergeons-la ! Nous sommes invincibles."
Car oui, la Catalogne est notre terre, et ensemble, Catalans, nous sommes invincibles.
Visca Catalunya !